À la découverte de l’Anatolie du Sud-Est


4 mars : Antep dans la froidure et l’humiditure

Contraints de calquer notre programme sur celui de notre hôte studieux, nous sommes dehors à 8h10. Benjamin achète dans une fırıncılık une pâtisserie un peu bizarre, mille-feuille de pâte phyllo à la pistache très huileux. Pas un très bon choix.

Première visite, le château de Gaziantep, qui abrite une frise chronologique très longue et très détaillée sur le rôle de la ville et ses soldats dans la résistance à l’occupation illicite de l’Anatolie par la France consécutive au démantèlement de l’empire Ottoman à la fin la Première Guerre mondiale.

 

L’on apprend de cette historiographie très patriotique que les naïfs arméniens ont été manipulé en ralliant la IIIème République contre les turcs qui ne leur voulaient, bien sûr, que du bien. Dans un registre moins partisan, il ressort que la résistance armée tenace des turcs à la campagne de Cilicie dans l’Est a beaucoup pesé dans les conditions favorables obtenues par Atatürk pour la signature du traité de paix de Lausanne en 1923.

Sur le toit du château, le temps est abominable: on ne voit rien et le vent transperce les vêtements. Dire que nous étions venus dans le Sud-Est pour trouver des températures plus clémentes !! Nous entrons ensuite dans le caravansérail Hisvahan. Il y a de multiples caravansérails à Gaziantep. Les écuries et les emplacement y occupaient le rez-de-chaussée, et on recevait les voyageurs au premier étage. Celui-ci perpétue la tradition en accueillant un hôtel et un restaurant très haut de gamme.

Cloître du Caravansérail Hısvahan

 

Nous n’essaierons que les toilettes, fastueuses. Nous visitons ensuite le musée des bains, pas mal mais sans plus.

Direction ensuite les bazars : Zincirli Bedeste est un bazar couvert. Nous y discutons avec un syrien très anti-Assad, qui reproche aux gouvernements européens à la fois leurs actions et leurs inactions, selon le camp qu’il aimerait nous voir rallier… C’est compliqué la politique.

 

Puis nous traversons le bazar Almaci Pazari, un bazar aux épices. Nous y voyons les machines à broyer le café menengiç, une graine apparentée au café mais sans caféine. Son goût est un peu sucré.

 

Nous sommes congelés et décidons de nous arrêter dans un restaurant-traiteur recommandé par Kemal. Tout y est délicieux, malgré la grosse tendance végétarienne. Cela change des kebaps, aussi bons soient-ils. Nous finissons le repas avec un petit menengiç kahvesi au lait, chez Thalis Khavesi. L’endroit est populaire chez les touristes et les locaux.

Pas question de quitter Gaziantep sans avoir acheter de fıstık. Les pistaches de Gaziantep sont très réputées, mais comment choisir. Nous entrons dans une boutique en face du bazar qui en propose une gamme très complète par palier de 5 liras… Il semble que la taille augmente avec le prix, mais notre palais occidental est bien incapable de discerner une différence de qualité. Dans le doute, nous prenons les plus chères.

Nous choisissons ensuite de marcher jusqu’au Zeugma Mozaik Müzesi, « idéalement » placé sur la nationale à l’écart de la ville. Il expose une grande collection de mosaïque récupérée de la Cité antique de Zeugma sur l’Euphrate, fondée par Séleucos Ier après le partage de l’empire d’Alexandre le Grand. Le guichetier nous démarre gratuitement la ciné vision en 3D ultra-kitsch décrivant brièvement l’origine du site.

 

La scénographie du musée replace les décorations en grandeur nature. Une petite heure après avoir commencé la visite, les gardiens s’agitent derrière nous. Le musée ferme dans 30 minutes… Merci pour l’information.

La « fille gypsie » a une salle dédiée.

« Gypsie Girl »

 

Nous parcourons l’annexe du musée au pas de course, pressés par les gardiens.

Sortir de la ville est un cauchemar : plusieurs camionnettes nous avancent jusqu’à des taxis collectifs, dont il nous faut a chaque fois nous dépêtrer. Benjamin avance sans se décourager.

Après 40 minutes, nous commençons à peine à sortir de la ville mais personne ne s’arrête. Toutes les voitures ralliant Şanlıurfa sont sur l’autoroute, bien plus au nord. Un dolmus s’arrête finalement. Nous savons pertinemment qu’il vaut mieux éviter ces véhicules, le chauffeur espérant toujours, au final, être payé pour sa course. Mais nécessité fait loi, Benjamin grimpe.

Il n’y a que deux passagers à bord, une mamie très curieuse de Charlotte, et un homme d’origine syrienne. À Onbirnisan, le drame pressenti se dénoue : à l’occasion du changement de véhicule, le « patron » nous réclame violemment de l’argent. Nous crier dessus est une mauvaise stratégie, il devrait plutôt essayer de nous attendrir. Benjamin joue à l’abruti et finalement il nous laisse tranquille.

Charlotte est effrayé car nous faisons du stop en pleine nuit. Après 3 minutes d’attente à peine, un homme nous prend dans sa vieille Renault. Il nous donne deux gâteaux secs et sésame, spécialité de la région, et appelle un de ses amis à Urfa, qui nous emmène manger.

Benjamin prend un Urfa kebap, similaire au Adana kebap, en moins épicé. Nous n’échappons pas au ayran, très aigre.

 

Nous sommes encore invités en douce. Nous allons ensuite nous promener sur le Balıklıgöl, l’atmosphère y est très mystique, surtout que notre conducteur nous traduit des morceaux de l’ancien testament expliquant la naissance de ce lieu.

 

Nous sommes ici l’attraction, encore plus qu’à Gaziantep. Les citoyens européens disciplinés obéissent aux recommandations de leurs gouvernements en ne s’aventurant pas dans ces contrées. Un homme parlant anglais nous dit de ne surtout pas faire du stop ici à cause des Syriens. Nos amis entendent ensuite nous trouver un hôtel. Situation à éviter, après 30 minutes de palabres inutiles, nous faisons mine d’accepter une chambre miteuse pour prendre congé et revenir dans un hôtel plus cher mais plus en accord avec les exigences charlottesques.

 


5 mars : rencontres et culture préhistorique

Après le buffet luxuriant, nous réservons un vol Mardin-Istanbul. Avec les élections municipales, de nombreux meetings politiques ont lieux dans la région et il nous a été conseillé de réserver notre vol sans tarder. Nous partirons donc de Mardin au soir. Nous sortons pour profiter du soleil enfin revenu. Dans le lobby, un homme anglophone nous recommande absolument d’aller visiter le site Göbekli Tepe : les origines de la civilisation moderne (sédentaire), rien que ça.

Nous décidons d’y aller en stop mais nous perdons dans le dédale de ruelles derrière le bazaar.

 

Une dame nous invite à prendre le thé. Nous discuterons plus de deux heures avec la famille, qui nous nourrira et nous invitera à dormir chez eux. Il y a Sedat, son père Kasim, fonctionnaire municipal, sa mère Adile, Hatice, leur voisine d’origine syrienne (voilée car mariée), et Tuba sa fille (trop timide pour la photo). L’hospitalité turque est incroyable.

 

Sortis à 14h, nous hésitons à poursuivre notre plan, flânons le long du Balıklıgöl. Les carpes y sont sacrées : selon la légende, le roi assyrien (et païen) Nemrod fit immoler Abraham sur un bûcher, mais Dieu transforma le feu en eau et les braises en poissons. Leurs descendants sont particulièrement gras et nombreux dans le bassin.

 

Nous décidons finalement de nous mettre en route. Les faubourgs sont un vrai dédale, dont nous réussissons finalement à sortir. Nous passons une zone artisanale où nous refusons une nouvelle invitation au çai. Un homme nous avance ensuite sur la route puis deux ingénieurs des travaux publics, intrigués par nos pouces levés, décident de nous emmener au site. Emin tient à nous inviter chez lui ce soir et nous lui donnons notre numéro.

Le site archéologique ferme à 16h30, mais ici les gardiens ne semblent pas pressés… Comme tous les lieux touristiques, les infrastructures (co-financées par l’UE) sont sophistiquées et destinées à asseoir la crédibilité du pays en la matière. Nous scannons nos billets dans le tourniquet puis prenons place dans la navette nous économisant les 300 mètres à pied…

Vue depuis le Tell du site

 

L’installation est vraiment bien pensée et permet une révolution autour du lieu de culte. Il date de la première phase du néolithique, le néolithique précéramique. C’est un site charnière en archéologie car si la structure des édifices (ronds) appartient plutôt à la première époque (PPNA), la sophistication des représentations sculpturales et des bas-reliefs se rattache plutôt à l’époque PPNB (caractérisée normalement par des édifices rectangulaires), voire de la seconde période néolithique.

 

Les mégalithes en forme de T dessinent six enceintes de taille variable. On ignore s’ils soutenaient un toit. Ces structures démontrent que l’architecture monumentale a, sinon précédé, du moins accompagné la sédentarisation et la transition d’un mode de subsistance fondé sur la chasse et la cueillette, à l’agriculture. Pour des raisons encore débattue, le temple a été volontairement enterré vers la fin du néolithique B. Selon certains archéologues, ce serait dû à une perte de sa fonction sociale et religieuse concomitante au nouveau mode de vie fondé sur l’agriculture. Les travaux archéologiques continuent et dévoileront d’autres bâtiments.

 

Une famille kurde se montre très curieuse de nous et demande l’objet de notre voyage. Nous apprenons très précisément les limites du Kurdistan turc : un rectangle délimité par l’Euphrate et la ville de Ezincan à l’Ouest, et s’étendant jusqu’à Kars au Nord-Ouest. La famille formule une invitation que nous interprétons maladroitement et nous nous séparons.

 

Le site est un énorme chantier car Erdogan sera en visite le 7 mars. Les préparatifs pour son meeting politique vont bon train, et les machines travaillent à terrasser impeccablement la zone. Deux personnes œuvrant à l’organisation de cet événement et déjà aperçues à l’hôtel nous avancent sur la route, puis trois hommes enturbannés nous déposent à l’orée de la ville.

Les abords de Şanlıurfa

 

Abdurrahman nous emmène ensuite au centre et nous donne sa carte pour l’appeler en cas de problème. Nous rentrons par le parc du Balıklıgöl et prenons de la hauteur.

 

Les hommes accourent à la mosquée Mevlid Halil pour la prière. Nous entrons à l’invitation d’un homme dans la grotte qui aurait dissimulé Abraham des préventions de Nemrod à son égard. On ne voit rien de la grotte. Côté Ban, les hommes défilent et après une fervente prière, s’empressent de se servir au robinet de la fontaine, censée les purifier. Côté Bayan, c’est selfies avec les enfants. Répartition sexuée de la spiritualité…

Mosquée Mevlid Halil

 

Il y a une coupure d’électricité dans le quartier de l’hôtel et l’odeur de mazout provenant du générateur qui a pris le relais envahit les environs. À 20h00, Emin passe nous chercher et nous emmène dans son quartier de Karaköprü, une banlieue résidentielle pour classes moyennes supérieures. Auparavant, il nous invite à dîner, un délicieux kebap de poulet parfaitement épicé. C’est de bien meilleure qualité qu’hier et pourtant le sandwich est apporté à main nu par le serveur et on mange à même la nappe… Notre hôte règle la note en douce, à la chinoise.

Emin et sa femme Fatma sont ingénieurs civils pour l’État, Fatma apprend actuellement l’anglais. Elle est très réservée, et porte le hijab. Ils vivent dans une grande maison à l’européenne avec des sofas, une cuisine moderne, et un salon richement meublé de style contemporain qu’ils n’utilisent pas. Curieux développement urbanistique : les lotissements sont les pieds dans la boue, et il n’y a rien autour.

Emin nous explique être originellement athée mais se poser des questions depuis la naissance de sa fille, « qui est tout pour lui ». Fatma est très pieuse. Après la çai, elle nous sert un excellent café turc accompagné de loukoums. Peu après 22 heures, toute la famille nous raccompagne à l’hôtel, en écoutant Joe Dassin et Charles Aznavour. Emin est déterminé à honorer notre invitation à venir nous rendre visite à Paris. Chaque individu de sexe opposé dit au revoir à l’autre (les hommes et femmes ne se touchent pas).

 


6 mars : Mardin

Nous laissons les sacs à l’hôtel et allons visiter le musée de la mosaïque Haleplibahçe de Şanlıurfa. Ce musée tout neuf à été construit spécialement lorsque des travaux de voiries ont butés sur des vestiges de villas romaines !

 

Mieux vaut avoir révisé la mythologie gréco-romaine car l’anglais est approximatif. L’entrée est combinée avec le musée archéologique, qui retrace l’évolution culturelle de la lignée humaine avec une imposante collection d’objets (provenant notamment de Göbekli Tepe). Fascinant.

 

Nous récupérons les sacs et retraversons le centre sous une forte chaleur. Nous passons jeter un coup d’œil à l’église Saint Pierre et Paul, reconvertie en salle pour des événements culturels. Deux hommes nous invitent à boire le thé et nous découpent des fruits. Les turques sont vraiment intéressés par les autres cultures.

Nous retrouvons facilement l’emplacement pour sortir de la ville en stop. Un homme nous prend rapidement, et comme nous lui disons être français, il nous explique avec gravité que la région va mal et qu’il y a deux responsables : 1) Israël 2) les USA.

Hassan nous avance ensuite jusqu’à un garage. Si nous voulons attendre que sa voiture passe le contrôle technique, il nous emmènera ensuite à Mardin. Nous n’attendons pas et c’est ensuite un médecin originaire du Turkménisan qui nous avance d’une dizaine de kilomètres. Il est habillé chic, parle anglais, et a des traits asiatiques très prononcés. Il nous dépose à la bifurcation pour le campus de l’Université de Harran.

Après trois minutes, une voiture et un camion s’arrêtent : nous montons dans la voiture, et sommes de retour au Kurdistan avec un père et son fils. Ils sont très fiers et heureux que nous aimions leur Kurdistan. Ils nous déposent à Viransehir, nous n’avons pas le temps d’honorer leur invitation à manger. C’est la sortie de l’école.

 

Nous marchons un demi-kilomètre pour sortir de la ville et un homme allant à Mardin nous prend dans sa voiture. Il conduit comme un dingue en mode décontracté. Il voulait être professeur et a fini visiteur médical… pas franchement enchanté par son métier. Il a investi dans une fintech française Peculium.

Il partage sa connexion internet et Benjamin fait l’erreur de contacter Hüseyin, l’hyperconnecté, pour le prévenir de notre arrivée. Ce dernier multiplie en retour les appels WhatsApp et les demandes de géo-localisation. Nous descendons peu avant Mardin mais impossible de retrouver notre ami kurde. En fait il habite à Kızıltepe, une ville jumelle.

Un homme interloqué par le spectacle de deux européens scrutant la route s’arrête spontanément et se propose de nous emmener à Mardin. Il est policier et nous dépose dans la nouvelle ville.

 

Nous trouvons une connexion internet pour nous excuser auprès de Hüseyin, qui heureusement ne semble pas fâché. Les derniers préparatifs vont bon pour accueillir le président demain.

Nous grimpons ensuite la colline en direction de la vieille ville. Un vieil homme transportant un plateau de churros sur sa tête nous en offre deux. C’est hyper-gras et hyper-sucré à la fois, Benjamin s’en met partout.

À l’orée de la vieille ville, nous achetons une pide toute chaude cuite au feu de bois. Un pain qui rivalise avec la baguette française.

 

Nous toquons à la porte du meilleur hôtel de la ville mais nous n’avons manifestement pas le profil sociologique et sommes orientés vers un autre établissement.

Dans la vieille ville de Mardin

 

Finalement nous jetons notre dévolu sur une magnifique chambre de sultan qu’une arménienne travaillant pour une ONG s’occupant de réfugiés nous aide à négocier. Benjamin mange quelques morceaux de sa pâtisserie baklavienne huileuse et desséchée à la fois. Le reste finit à la poubelle, c’est décidément pas bon.

 


7 mars : dans le brouillard mésopotamien

Les rayons du soleil transpercent la fenêtre à notre réveil, mais en sortant de l’hôtel, un épais brouillard nimbe la ville. Nous ne verrons pas le plateau mésopotamien…

Nous décidons d’aller visiter Deyrulzafaran Manastırı, un monastère syriaque orthodoxe. Un sympathique instituteur nous y dépose.

Notre conducteur

 

Nous devons patienter jusqu’à midi que le lieu ouvre au visiteur, nous sommes plus matinaux que les turcs !!

 

La visite guidée est en langue originale, nous n’y comprenons donc rien. Benjamin se fait virer de la chapelle par un moine orthodoxe fort peu amène.

 

Nous passons ensuite dans l’ancienne chapelle très sombre, puis une pièce souterraine dont nous ne comprenons pas la fonction. Le Lonely Planet nous apprend qu’il s’agissait d’un sanctuaire utilisé par des adorateurs du soleil qui voyait leur « dieu » se lever tous les jours par la fenêtre est.

Porte de bois de la chapelle

 

Le monastère est magnifiquement placé en haut d’une colline, entouré d’oliviers et de cerisiers. Les moines savent toujours choisir les endroits où il fait bon se retirer.

 

Nous revenons rapidement en ville en stop, le brouillard s’épaissit encore et s’accompagne maintenant d’une pluie fine. Nous décidons d’aller manger, Benjamin goûte la spécialité du coin à l’agneau et boulgour : incik kebabı.

Nous visitons ensuite la medresesi du Sultan Isa. Le bâtiment sert aussi de showroom pour l’artisanat local.

 

La pluie s’intensifiant nous retraversons la ville pour trouver refuge au Sakıp Sabancı Mardin City Museum. Le hall, un ancien bâtiment militaire, donne un aperçu de la spécificité de cette ville, passage obligée de la Route de la Soie et carrefour d’influences européenne et asiatiques. Aujourd’hui, la vieille ville est devenu musée à ciel ouvert, et semble avoir arrêté son histoire. Au sous-sol, nous trouvons une exposition de photographie contemporaine de Murat Germen, dont le travail est d’une rare laideur.

 

Nous entrons dans un dispensaire, le médecin de garde nous montre les belles salles voutées. Il y fait un froid glacial.

 

Au retour, nous nous perdons dans les très belles ruelles de la vieille ville.

 

Malgré sa splendide architecture, quelque chose manque pour nous faire vraiment aimer cette ville, qui manque simplement d’authenticité : les hommes y sont moins curieux, car habitués à voir déferler des hordes de touristes turques tous les week-ends. Nous décidons de récupérer nos sacs pour redescendre la colline vers l’aéroport sans être pressé par le temps.

Église orthodoxe

 

Sur le chemin, une église est fermée. Nous longeons ensuite un quartier résidentiel inachevé très bizarre.

 

Nous atteignons Kasimiye Medresi sous un vent à décorner les bœufs et aimerions couper à travers champs pour rejoindre la route de l’aéroport, mais un berger nous interdit de passer. Benjamin insiste un peu mais l’homme se referme de plus en plus. Les grognements de son chien achève de nous convaincre de faire le tour pour récupérer la route à la sortie de Mardin.

Notre petite promenade a pris plus de temps que prévu et nous commençons à forcer le train car l’heure tourne. Un homme nous prend rapidement dans sa voiture mais nous lâche assez loin de l’intersection. Il nous reste plus qu’une heure avant l’heure limite de dépose-bagage et nous sommes un peu inquiets même si l’aéroport n’est qu’à une quinzaine de kilomètres. Finalement un chauffeur turque conduisant comme un fou nous dépose après quinze minutes à l’aéroport.

Nous récupérons les bagages assez rapidement mais nous montons dans le mauvais bus. Charlotte l’a remarqué sans oser dire à Benjamin qu’il s’est trompé, qui devient furieux contre le chauffeur roublard et sa femme. Le nouvel aéroport international Sabiha Gökçen est à plus d’une heure du centre-ville.

Fort heureusement, depuis la station Levent, quinze minutes de métro suffisent à nous rendre à Taksim. Nous achetons deux kebaps à emporter et retrouvons notre chambre.

 


8 – 9 et 10 avril : Istanbul acâriatre

Benjamin accuse le coup de se retrouver dans une ville si grande, si bruyante, et si sale, en proie au tourisme de masse. Même s’il a promis le contraire, il ne parviendra pas à garder le moral.

Nous sommes pourtant très bien placé, au Sud de la place Taksim, dans le quartier de Pera. Le premier jour, nous descendons vers le pont Galata en passant par le quartier de Tophane. On y trouve un curieux mais plaisant mélange de boutiques bobo, cafés d’artistes, petite galerie d’art et de design, et vieux immeubles d’habitation.

 

Le quartier de Karaköy, au bord du Bosphore, s’est spécialisé dans la vente d’outillage de toute sorte.

 

Le long du pont Galata, des centaines d’amateurs pêchent le maquereau. L’odeur écœurante, mélange de vase et de friture montant des « restaurants » sous le pont, préparant les prises en balık ekmek pour les touristes, ne nous quitte pas jusqu’à la rive européenne.

Sur la place devant la mosquée Yeni Cami (la Mosquée Nouvelle, cachée par un échafaudage), des turcs font la queue pour acheter des fruits légumes en gros.

 

Nous avons envie d’un vrai espresso, et nous arrêtons chez Coffeetopia, la chaîne australienne. Nous rencontrons x et y, un couple de frenchies en week-end à Istanbul. Ils logent à Sultanahmet, nous leur conseillons d’aller visiter la partie nord européenne de Karaköy, Galata, et Tophane.

 

Nous nous enfonçons ensuite dans Sultanahmet et une violente dispute éclate quand Benjamin ne veut pas faire la queue pour visiter Sainte-Sophie. La journée est terminée.

 


Au deuxième jour, Charlotte part seule dans le quartier des antiquaires, Cihangir. Elle y rencontre un Picasso turc.

 

Benjamin la rejoint pour un café à Karaköy, puis nous mangeons dans un délicieux restaurant.

 

Le passage souterrain pour traverser le carrefour de Eminönü est bondé.

 

Direction le Grand Bazar, où l’on se perd pendant deux heures, à la recherche de céramiques peintes à la main à un prix acceptable. On entre, on sort, tentant, sans grand espoir, de retrouver les deux boutiques repérées par Charlotte la veille, parmi les 4000 stands… Expérience nettement moins agréable que dans les contrées moins touristiques de Gaziantep ou Urfa. Ici, les vendeurs ne perdent pas de temps à discuter si vous n’avez rien à leur acheter.

 

Nous visitons ensuite la mosquée Nuruosmaniye, accolée au bazar.

 

Fatigués de cette journée où l’on s’épuise à ne rien faire, nous rentrons.

 


Aujourd’hui, nous décidons de prendre le bateau pour nous rendre à Kadiköy, sur le versant asiatique.

 

Nous y mangeons de délicieuses crêpes, de moyennes glaces, et buvons de très bons espressi. Nous rejoignons l’embarcadère en passant par le quartier résidentiel de Moda.

 

De retour à Sultanahmet, nous nous cassons une seconde fois le nez sur la Mosquée bleue, en ratant le dernier créneau ouvert aux touristes. Benjamin n’est pas assez motivé pour se prétendre musulman.

 

Nous tuons les dernières heures qui nous restent, retournons manger les spécialités d’Antioche qui nous ont régalés hier, et prenons le dernier métro pour l’aéroport Atatürk.

 

Cette visite d’Istanbul laissera un goût d’amertume dans le couple. Leçon pour l’avenir : aller crescendo, du mainstream au plus engagé, car la progression inverse a un effet dévastateur sur le système sérotoninergique du mâle.

 

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