Moorea, 7 – 12 mai 2017


Une arrivée imprévue, une rencontre inattendue, un départ impromptu.

 

7 mai : la chance de l’auto-stoppeur…encore

Nous arrivons à Papeete le 7 mai, avant d’être parti d’Auckland le 8. Nous sommes accueillis par le petit trio musical tahitien.

Dans la file d’attente d’immigration, c’est une grande joie d’entendre parler français. Nous suons à grosses gouttes en moins de deux minutes, le climat chaud et humide contraste fortement avec l’hiver néo-zélandais, il nous faut ressortir les tongs.

Nous réorganisons les sacs et mangeons nos derniers golden kiwis pour éviter leur confiscation. Précaution inutile car la quarantaine est beaucoup moins strictement appliquée ici, nos sacs ne sont pas scannés.

 

Sitôt sortis de l’aéroport, nous tendons le pouce vers Papeete, et rapidement un pick-up noir s’arrête. Linda et son chien nous emmènent en ville où elle va chercher sa fille et son ami. C’est la première fois qu’elle prend des stoppeurs et elle est émerveillée par notre entreprise de tour du monde, elle a de la famille au Chili. Nous récupérons sa fille et retournons chez eux à Fa’a’a, où nous sommes invités à prendre l’apéro. Notre premier contact avec la bière tahitienne Hinaho et l’hospitalité polynésienne.

Linda est mariée à Bruno, moitié français moitié tahitien. Leurs enfants sont donc « des quarts de ». Linda nous explique qu’il n’y a pas de « purs » polynésiens, le brassage avec les popa’as (étrangers, terme utilisé pour désigner les Français de métropole) ayant toujours eu cours. Bruno est un peu plus taciturne et met du temps à s’ouvrir à nous. Nous parlons de la spécificité des relations entre le « territoire » et la métropole : la Polynésie est en effet une collectivité d’outre-mer et pas un département. L’État français n’y assure que certaines fonctions régaliennes comme le maintien de l’ordre (par la gendarmerie nationale, mais il n’y a pas de police nationale à Tahiti, seulement une police municipale) et le fonctionnement de la justice, mais le territoire a son autonomie politique avec son propre gouvernement et ses propres lois, « les lois du pays ». Le code de la route n’est par exemple pas le même qu’en métropole. Il n’y a pas d’impôt sur le revenu, de sécurité sociale, ou de minima sociaux. Bruno se plaint du coût de la vie, extrêmement cher. Tous les produits sont en effet importés, et seuls quelques produits de première nécessité (PPN) voient leurs prix encadrés. Pour le reste, mieux vaut vivre près de la mer et cultiver son jardin. Lorsque notre demande de réservation Airbnb est refusé, Bruno nous propose de dormir sur un matelas dans leur salon. Linda nous lave ensuite nos vêtements et prépare le dîner, de délicieux haricots au porc. En dessert, nous goûtons nos premières caramboles. Spécificité de la maison, les M&Ms en après-dessert !!

 

Nous allons nous coucher, heureux de notre bonne étoile qui ne nous quitte plus depuis Bornéo.

 


8 mai : la chance de l’auto-stoppeur… à pied

Le lendemain, nous prenons le petit-déjeuner puis Benjamin s’occupe de réserver nos billets d’avion pour la suite de notre voyage. Cela s’avère plus délicat que prévu : s’il reste des places sur tous les vols hebdomadaire pour Rapa Nui, beaucoup des vols journaliers pour en repartir sont complets. Nous décidons donc de rester en Polynésie plus longtemps, pour ne pas passer quinze jours sur une île de 70 km de circonférence. Cela nous laisse en plus le temps de trouver un bateau pour explorer les îles, car l’avion est hors de prix : un vol pour Bora-Bora coûte 350 euros par personne…

 

Linda nous conseille d’aller à Moorea. Elle nous offre deux petites bouteilles de monoï et nous dit adieu traditionnellement, en nous offrant un collier de coquillage.

C’est une Peugeot 106 complètement pourrie qui nous dépose au centre-ville. C’est dimanche, tout est fermé. Nous parlons à une popa’a qui nous met en garde sur la sécurité à Papeete. Le chômage a augmenté, et avec lui, la délinquance. Benjamin part retirer de l’argent puis nous achetons nos billets pour le ferry.

Nous débarquons avec un peu d’appréhension : la gentillesse de Linda et sa famille a tranché avec l’impression de désolation régnant à Papeete, emplie d’individus patibulaires. Ici l’ambiance est nettement meilleure, les gens jouent à la pétanque au bord de l’eau.

 

Le temps est cependant assez maussade. Nous décidons d’aller à la marina pour trouver un bateau qui aurait besoin d’équipiers (à l’époque, nous ne préjugeons pas, fort heureusement, de nos qualités de marins, autrement nous n’aurions quitté terre). Le chef de la marina n’est pas très prolixe, mais nous rencontrons Corinne, « Coco », qui nous conseille d’aller discuter directement avec les plaisanciers. Elle a de l’intuition et nous demande où nous comptons dormir. Nous n’en avons évidemment aucune idée et elle nous propose de planter la tente sur son terrain. La chance ne nous abandonne pas, nous mettons les sacs dans son coffre et partons explorer les pontons.

Benjamin engage la conversation avec Dédé qui vient de vendre son catamaran, il retourne en métropole. Un anglais demande à un couple breton où trouver des batteries 12V au meilleur prix. Nous avons du mal à engager la conversation, le bateau créé une sorte de séparation entre notre monde et le leur. Finalement, Claudio suggère à Benjamin d’aller voir Yves, sur Maoro, un monocoque jaune. Il est en pleine discussion avec un couple d’amis. Le courant passe tout de suite très bien, malheureusement Yves est en plein travaux sur son bateau, et ne peut donc pas nous proposer une sortie. Il doit remonter l’inverseur de son moteur, réparer les lattes de teck de son cockpit, et finir son frigo. Par contre il a un ami au mouillage non loin qui fait du charter. Nous échangeons nos adresses électroniques et retournons à la voiture. Coco est partie faire quelques courses au supermarché Champion d’en face, et c’est Kamalani, son fils de 11 ans, qui nous accompagne.

 

Coco habite avec sa petite famille une maison atypique perchée au bout d’une route. La maison est construite en U autour d’un patio faisant office de séjour. C’est grand, aéré et avec une belle vue sur Tahiti Nui. Coco et Moana, son mari, ont une chambre royale à l’étage. Moana est artisan tout corps de métier, et a construit la maison lui même. Seul problème de cette construction ouverte, les moustiques qui nous attaquent en bataillons et ne nous laisseront aucun répit de tout notre séjour. Nous plantons la tente sur le promontoire herbé de la terrasse.

Kanaleï, leur fille de 16 ans, retourne à l’internat de Papeete après ce long week-end du 8 mai. Elle a plein de questions pour Benjamin quant à son orientation, car elle aime les sciences mais ne semble pas très à l’aise en maths. Benjamin fait un éloge du doctorat, c’est l’effet du papier récemment publié.

La nuit est traversée d’orages et la lune, presque pleine, agit en lampion qui nous empêche de dormir.

 


9 mai : découverte du rythme insulaire

Le lendemain, nous recevons un mail d’Yves qui nous annonce que son ami ne peut pas nous emmener, mais qu’après réflexion, il peut nous proposer une excursion aux Îles Sous-le-Vent à la fin de la semaine, dépendant du succès du remontage de l’inverseur. Nous avons hâte d’en discuter avec lui mais les averses nous empêchent de sortir.

Finalement, après un déjeuner léger, Moana nous dépose à Maharepa, le principal village côtier de Moorea. La voiture est un beau BMW X3 qui détonne dans le parc à majorité français et plus modeste. Moana à remporté la voiture dans une vente aux enchères pour liquidation d’une succession, il y avait même les CDs dedans, de la musique polynésienne et des hits internationaux. Après un rapide tour des trois boutiques, et un accueil frigide au très prétentieux Beach Club qui nous fait fuir, nous prenons une tarte au citron meringué dans un snack sympa, la Carameline, et répondons à quelques mails.

Il est temps de revenir à la marina pour mettre notre traversée au point avec notre skipper. Deux techniciens télécoms de Papeete nous avancent jusqu’à la plage To’Atea puis un conducteur de navette Avis nous dépose juste avant le terminal de ferry, pour éviter d’attirer l’attention car il n’a pas le droit de prendre des stoppeurs.

Nous rejoignons la marina à pied, où Yves nous fait visiter son bateau et nous dit espérer pouvoir partir dimanche ou lundi. Au programme Bora-Bora, Taha’a, Raiatea, et Huahine, en une dizaine de jours. Il doit être de retour à Papeete le 26 mai pour accueillir sa femme de Nouvelle-Calédonie, où ils sont domiciliés depuis six ans. La conversation entre Yves et Benjamin embraye sur le lobby écologiste et la trahison des élites politiques française : ces deux là auront beaucoup à se raconter pendant la traversée.

Nous passons acheter l’apéro pour notre famille d’accueil : un saucisson, et de quoi faire des feuilletés aux saucisses. Nous renonçons au vin, dont le prix est ici multiplié par trois. Coco et Kamalani sont rassurés en nous voyant arriver à la nuit tombée, ils nous croyaient perdus.

La soirée est notamment marquée par une discussion astronomique de haute volée où chacun expose sa théorie pour expliquer pourquoi la configuration des étoiles de l’hémisphère sud est différente de celle de l’hémisphère nord. Avec un demi-litre de bière dans le cornet, ce qui naturellement aide la clairvoyance scientifique.

Kanaleï nous a proposé sa chambre en son absence, et nous retrouvons avec plaisir un vrai lit.

 


10 mai : hachis-frites et cascade

Nous trainons ce matin, ce qui agace un peu Coco : en continuant à ce rythme, nous ne verrons rien de Moorea. Elle n’a simplement pas idée de notre bonheur à nous retrouver dans une famille accueillante, et à être suffisamment en confiance pour nous laisser vivre et récupérer de notre road-trip en Nouvelle-Zélande. Il faut dire que nous ne nous sommes pas encore au rythme polynésien, dont la journée typique commence à 5 heures du matin pour se terminer à 16 heures, au plus tard. À 21 heures, tout le monde est au lit.

Nous attendons Kamalani à la sortie du collège. Nous constatons que la jeunesse tahitienne est aussi crétine que la jeunesse métropolitaine.

 

Benjamin paie sa tournée de hachis-frite, le sandwich américain local. La roulotte habituelle avec la promotion pour collégiens est en rupture, et nous nous rabattons sur une roulotte de second choix, au hachis décevant.

Kamalani nous conduit jusqu’à une cascade. Coco se fait une petite frayeur en perdant ses clés de voiture, miraculeusement retrouvées en revenant sur ses pas. Il ne fait pas chaud, et seuls les hommes se baignent.

 

Sur le chemin du retour, les femmes ramassent des écorces pour les ateliers de loisir créatif de Coco

Nous profitons du mercredi après-midi pour grimper tout en haut de la montagne magique, un sommet de Moorea qui permet d’avoir une jolie vue sur la baie d’Opunohu. Coco nous fait découvrir les fruits locaux durant notre ascension. Nous sommes régulièrement doublés par des groupes en quad.

 

Arrivés au sommet nous laissons finir un groupe d’italiens avant de faire quelques photos. Des fruits de la passion jonchent le sol à notre descente et nous en ramassons quelques-uns.

 

Nous rentrons en faisant le tour complet de l’île en voiture.

Coco nous fait des galettes de sésame pour le dîner et nous nous sentons comme en Bretagne. Charlotte découvre que c’est d’une simplicité déconcertante et a hâte d’essayer à son retour.

 


11 mai : petite randonnée vers les Ananas

Nous ne pouvons pas traîner aujourd’hui car Coco part en ville et ferme la maison derrière elle. Elle nous dépose à la gare maritime d’où un homme jeune nous prend en stop jusqu’au belvédère d’Opunohu. Il s’appelle Guilhem, est maître d’œuvre résidant à Papeete. Originaire du Sud de la France, il a suivi sa femme, juriste ayant saisi une opportunité à Papeete. C’est l’archétype de l’expatrié heureux, dont le boulot semble presque un passe-temps, d’ailleurs pas très chronophage puisqu’il nous monte fort gentiment sur la route gravillonneuse menant au belvédère. Le couple prévoit ensuite de s’installer en Nouvelle-Zélande, qu’ils ont déjà visitée trois fois.

 

La randonnée est bien balisée jusqu’au point de vue des Trois Sapins où nous croisons un groupe de randonneurs et son guide, qui nous prend en photo.

 

La descente jusqu’au Col des Ananas est plus périlleuse, glissante et avec beaucoup de végétation. Nous prenons une route de terre qui mène à un parcours d’accrobranche et à un ranch.

 

Notre curiosité est refroidie par l’accueil des chiens, et nous continuons notre chemin, jusqu’à rejoindre la route principale.

Les chiens sont dangereux en Polynésie, trop nombreux et pas dressés, quand seulement ils ont un propriétaire.

Station de recherche de l’Institut des récifs coralliens du Pacifique

 

Nous sommes pris en stop par un couple de tourdumondistes en pause de quelques semaines sur Moorea. Ils vont nous devancer de quelques jours sur l’île de Pâques. Ils nous proposent de déjeuner chez eux, mais nous devons rejoindre Coco et Kamalani, qui n’a pas classe l’après-midi.

Nous attendons beaucoup à Marahepa avant d’être pris en stop par la propriétaire du café Caraméline. Nous la félicitons pour ses pâtisseries, mais au fil de la conversation nous découvrons en fait une popa’a rêvant de Los Angeles et tenant un discours assez méprisant envers les autochtones et les néo-zélandais…

C’est enfin un jeune français et son amie tahitienne qui nous dépose devant chez Coco. Il est parti sans autre projet que de voyager et après avoir fait les bonnes rencontres ici, il s’est trouvé un emploi de webmestre et ne se voit pas repartir.

Finalement nous arrivons pile-poil en même temps que Kamalani. Nous embarquons en voiture et Coco nous fait découvrir une plage secrète. Après avoir traversé un petit ensemble de bungalows en déshérence, nous nous retrouvons sur une belle plage de corail. Les garçons se baignent pendant que Charlotte et Coco ramassent des coquillages et des coraux.

 

Nous avons promis à Kamalani de lui montrer comment jouer à Risk Le Seigneur des Anneaux et nous rentrons donc installer la partie. Charlotte se réjouit déjà d’utiliser ses techniques de manipulations psychologiques pour nous écraser, mais il est trop tard pour commencer à jouer, la guerre est reportée au lendemain.

Pendant le diner, nous découvrons que Moana et Guilhem se connaissent très bien ; le monde est petit, surtout sur une île de 134 km2.

 


12 mai : le grand nettoyage

Aujourd’hui nous avons rendez-vous avec Yves afin de nettoyer et préparer le bateau pour notre croisière. Après un passage du pont au jet d’eau, Charlotte s’attaque au lessivage des murs tandis que Benjamin secoue les tapis et passe l’aspirateur.

Pendant qu’Yves va chercher du gasoil détaxé, nous allons faire les courses pour une dizaine de jours au Champion en face de la marina. Plus on s’éloigne de Papeete plus les denrées sont chères. L’affaire est ardue car il faut jongler avec les prix prohibitifs, l’envie de se faire plaisir (on trouve plein de produits français !!), les possibilités de cuisiner à bord et surtout le stockage des produits frais… Bref on y passe trois plombes.

Rangement des courses

 

Kamalani est à la marina en train de se baigner avec ses amis. Il nous rejoint sur le bateau pour partager un quatre heures. Nous avons craqué pour des pâtisseries vendues dans une petite camionnette devant la marina. Mille-feuilles, gâteau au chocolat et caramel et tarte au citron meringuée régalent tout le monde. Benjamin rejoint les jeunes dans l’eau puis nous disons au revoir à Yves et rentrons commencer notre partie de Risk.

 

Benjamin et Kamalani ont beau essayer de se liguer contre Charlotte elle leur met une belle pâtée et conserve son invincibilité. Qui a dit que les femmes étaient de mauvais stratèges ? (De bonne manipulatrices, c’est certain).

Kanaleï et Moana rentrent de leur semaine sur Tahiti et nous mangeons tous ensemble un délicieux chili con carne préparé par Coco. Nous formons une joyeuse bande et pour nous c’est un vrai plaisir de se sentir si bien accueilli dans cette famille chaleureuse. C’est avec un petit pincement au cœur que nous passons notre dernière soirée en leur compagnie.

 

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