Mongolie, vers le nord : Oulan-Bator jusque chez les Tsaatans, 27 septembre – 9 octobre 2016


Nous avons choisi d’aller voir les Tsaatans, peuple éleveur de rennes au fin fond de la Mongolie, près de la frontière russe.

Nous allons donc revenir un peu sur nos pas longitudinalement, mais c’est le seul moyen d’accéder à cette région, la frontière avec la Russie étant fermée.

Exceptionnellement nous sommes passés par une agence car l’accès est réputé difficile et nous sommes déjà hors-saison en Mongolie (la plupart des guesthouses ont fermé pour l’hiver).

 

Jour 1 : de Oulan-Bator à Hutag Undur

Départ tôt ce matin à 7h. Amaraa (notre guide) et Miga (notre chauffeur) viennent nous chercher en UAZ. Nous chargeons rapidement nos sacs minimalistes sur la plage arrière déjà encombrée de matos.

Moron-~79

Sérénité sur les routes mongoles

Moron-~19

Le « peutibeur » mongol

 

À mesure que l’on s’éloigne d’Oulan-Bator, les infrastructures s’appauvrissent, les habitations deviennent clairsemées et quelques yourtes et chevaux font leur apparition.

La route, pourtant goudronnée, sollicite déjà beaucoup les conducteurs, qui doivent éviter les nids de poules et négocier les changements de niveau.

Amaraa nous explique que le terrain, hors des limites de Oulan-Bator, est res nullius. Il n’est pas objet de droit de propriété au sens romain, et tout le monde peut donc s’y installer. Quelques emplacements sont délimités par un cadre de pneu : ce sont des familles qui indiquent publiquement y avoir élu domicile et entendent bien le retrouver libre d’y monter leur yourte lorsque l’été reviendra.

Petit arrêt pour faire le plein de la bombonne de gaz pour le repas du soir. Les toilettes se dressent majestueusement, au milieu de la steppe.

Moron-~18

Ceci est un WC

À 13h, nous nous arrêtons dans une cantine à Erdenet. Une longue étude du menu permet à Charlotte d’écarter les plats à base de mouton de ses choix (soit 90% de la carte). La nourriture risque vite de devenir un problème…

Avant de repartir nous allons faire du lèche-vitrine dans le magasin d’usine d’une fabrique de tapisserie. On y trouve les immenses tapis en laine qui décorent les yourtes, et quelques articles en cachemire. L’atelier est malheureusement fermé et nous ne pourrons pas le visiter.

Motifs traditionnels mongols

Motifs traditionnels mongols

À l’occasion du passage à la station service, nous découvrons une petite particularité des véhicules militaires russes : ils ont deux réservoirs, on fait donc le plein en deux temps, une fois à droite, une fois à gauche.

 

Vers 17h, nous faisons une petite pause pour nous dégourdir les jambes près du volcan Ypah-Toroo.

 

A 19h30, arrêt dans un restaurant au bord de route.

 

Même sélection de plats qu’à midi, ce n’est pas très joyeux… Benjamin essaie d’introduire un peu de folie en commandant une bière. Mais ils ne servent pas d’alcool le mardi… Tristesse. Charlotte fait un choix heureux, өндөгтэй хуурга (Undugtei huurga), un plat 100% bœuf accompagné de carottes et pommes de terre. Ayant épuisé la variété de la cuisine mongole en deux repas, nous convenons avec Amaraa d’essayer de cuisiner nous-même le lendemain.

Nous posons le campement à quelques centaines de mètres, au bord de la rivière Сзлзнгз (Selenga). Nos avertissements quant à notre sensibilité au froid ont porté, nous dormirons sur trois couches de matelas et avec deux sacs de couchage supplémentaires. La nuit tombée nous faisons un feu de camp et entamons nos réserves de chocolat.

 

Jour 2 : de Hutag Under à Мөрөн (Mörön)

Après une nuit bien chaude, nous prenons le petit déjeuner à 8h30.

 

Nous avons encore 180 km à faire jusqu’à Moron. Vers 10h30, nous entrons dans la province de Хөвсгөл (Khövsgöl). La mongolie compte une vingtaine provinces.

 

La ville de Их-Үүл, avec ses toits colorés et son cimetière.

 

Arrivée sur Мөрөн (Moron).

Arrivée sur Мөрөн (Mörön).

 

Miga nettoie ses bottes avant d’aller chercher les permis d’entrée pour la zone de Тайга Цагаан Нуур (la taïga). La zone est « protégée » et de surcroît assez proche de la frontière russe.

Les militaires sont en pause, nous décidons donc de manger à la guesthouse avant d’y retourner. Amaraa nous libère des raviolis gras en nous préparant un sauté de bœuf au chou, que nous mangeons sur la table dans notre chambre.

Miga

Miga

Il n’y a pas d’hôtel à Mörön, seulement des guesthouses rudimentaires (choisir une avec douche chaude et connexion internet), aux chambres atypiques. La nôtre est immense avec deux canapés et une table basse, pratique pour manger.

Arc-en-ciel sur Möron

Arc-en-ciel sur Mörön

Retour chez les militaires, qui font leur petit cinéma bien rodé. Il se moquent un peu de nous en nous prévenant qu’on va se geler là-bas. Même avec des locaux, il faut attendre pour obtenir le fameux permis, ça fait partie du rituel. Finalement le chef arrive, regarde la photocopie de nos passeports et c’est bon. De manière générale, prévoir au moins 24h de marge, parfois ils aiment bien s’amuser, surtout si l’on a pas de guide.

Il faut encore qu’Amaraa signe nos papiers (une petite heure de plus à patienter, les militaires mongols aiment affirmer leur pouvoir), nous rentrons donc faire la vaisselle. Nous découvrons au passage une petite particularité dans notre guesthouse : la cuisine est coupée en deux au niveau de l’évier par un panneau de bois afin de partager le bac avec les voisins.

Cuisine équipée

Cuisine équipée

 

Nous allons ensuite voir les pierres à cerfs, Uushiglin Uver, à 10 km. Le site date de l’âge de Bronze. On y trouve une quinzaine de pierres dressées vers le ciel avec gravées dessus des cerfs montant en spirale vers le soleil.

 

Les gravures sont saisissantes de beauté et le paysage alentour à couper le souffle. La lumière de fin de journée est parfaite. Nous sommes surpris par l’absence de protection du site.

 

 

Nous faisons une halte dans un supermarché pour acheter des gants de travail à Charlotte en guise de gants d’équitation, et aussi du coca pour tenter d’apaiser les intestins de Benjamin.

Pour le dîner, Amaraa nous prépare une omelette au thon. Improbable dans ce pays où pour le citer, « les gens pètent un câble s’ils n’ont pas leur ration de viande trois fois par jour ».

Charlotte lance un défi karaoké mais Benjamin est trop fatigué. Dernière douche avant une semaine et dodo.

 

Jour 3 : de Mörön à Рэнчинлх (Renchinlh)

À 7h30, une omelette nous attend. Puis nous partons.

 

Nous atteignons rapidement les limites de la ville.

 

La route goudronnée se transforme en chemin de terre une fois entrés dans la réserve de Khövsgöl. Petit arrêt au village Хатгал pour que Miga achète une carte sim qui fonctionne.

Le village de Хатгал

Le village de Хатгал

 

Nous devions y passer une nuit, mais il est prévu de la neige pour demain. Aussi modifions-nous notre programme : nous pousserons dès aujourd’hui jusqu’à chez Muujgii, notre camp de base dans la région du Renchinlh, d’où nous prendrons les chevaux pour aller à la rencontre des Tsaatans.

 

 

Nous nous rapprochons du lac Хөвсгөл.

 

Au bord du lac, énormément de guesthouses et « tourist camp », tous fermés. Cette région est très prisée de la population mongole en vacances l’été, mais à partir de septembre, l’endroit devient complètement abandonné.

 

Ciel de Khövsgöl

Ciel de Khövsgöl

Nous décidons d’y déjeuner.

 

Nous apprenons par Miga, dont le portable capte soudainement, que deux amis motards nous attendent depuis 3h pour nous montrer la route jusqu’à Renchinlh ! Nous emprunterons la piste qui longe le lac, le plus court chemin (170 km quand même), mais difficile car détrempé à cette saison. Les chauffeurs s’assurent donc toujours de trouver des éclaireurs et de grouper les déplacements pour pouvoir s’entraider en cas de pépin. Nous nous dépêchons de les rejoindre le plus rapidement possible.

Un cavalier au bord du lac

Un cavalier au bord du lac

Nous nous enfonçons petit à petit dans la forêt et la qualité de la route ne fait que se dégrader.

Nous trouvons finalement nos éclaireurs faisant la sieste en nous attendant. Ils enfourchent leurs 125 et c’est parti pour une longue après-midi.

Motos de trial mongoles

Motos de trial mongoles

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Sur certaines sections, le terrain est tellement meuble que le camion s’y enfonce jusqu’à la garde. Il faut donc étudier minutieusement la piste et ne pas s’arrêter.

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Au premier embourbement sérieux, nous devons soulever le camion pour placer des tasseaux sous les roues et retrouver un peu d’adhérence. Équipement indispensable dans un véhicule en Mongolie : la pelle et la hache. Le manche de la pelle est pourri et casse au premier effort. Miga et son matos de merde se font charrier. Mais pas d’inquiétude, l’un des gars sculpte un nouveau manche dans un tronc d’arbre en deux minutes chrono et ça roule (incroyable, mais Kévin G. sur son blog Sillonnant la route rapporte la même anecdote du manche de la pelle, dans exactement les mêmes circonstances !!).

 

Il y en aura cinq autres. Ce qui est frappant, c’est le tempérament des mongoles face à cette adversité : ils prennent ça comme un jeu, font des blagues, et ne cessent de rigoler. Pas question d’abandonner, ça prend le temps qu’il faut mais personne n’est laissé derrière.

L’équipage s’est renforcé d’une famille entière qui se déplace aussi à deux-roues.

 

L’adresse des mecs à motos est incroyable. Même avec une femme derrière, un enfant devant, et 20 kilos sur le porte-bagage, ils tracent leur route.

La routine se poursuit dans la soirée.

 

Nous arrivons difficilement à une sorte de refuge où tout le monde nous déconseille de repartir. Il est 19h30 et la nuit tombe, si le camion s’embourbe encore, nous risquons de devoir passer la nuit dans le camion. Nous dormirons donc ici. On nous sert du thé au lait et de la pâte à pain frite dans la graisse de mouton, des Гамбир (gambir). Pas très fin, mais réconfortant.

 

Suit un repas autour du feu, et une nuit sur nos quatre couches de matelas et deux couches de sac (nous en avons enlevé une mais mourrons encore de chaud, nous avons donc de la marge).

 

Jour 4 : jusqu’à chez Muujgii, pour de bon

Lever six heures du matin, pour un départ prévu la veille à 7h. En fait nous ne partirons pas avant 8h30, le temps de préparer et manger les pâtes cuites dans le bouillon de chèvre…

 

Muujgii nous a rejoint pendant la nuit, c’est lui qui conduira aujourd’hui. Toute la troupe part ensemble, apparemment il y a encore pas mal de passages difficiles dans les 70 km restant à parcourir.

 

Après quelques péripéties impliquant de multiples leviers, tractions, et poussées en tout genre, nous nous séparons du lac et progressons entre les montagnes. La route est magnifique.

 

Nous laissons nos amis motards dans leur yourte.

 

Muujgii enfourche une moto pour nous guider sur les cinq derniers kilomètres qui nous séparent de chez lui.

Chez Muujgii

Chez Muujgii

Conformément à l’usage, nous entrons dans sa yourte sans forme de procès et dégustons thé, pain tartiné de crème de lait et sucre ; les raviolis au mouton terminent la collation. On nous déplie ensuite un matelas en nous invitant à nous y reposer. Benjamin aime être traité comme un pacha.

Nous allons ensuite récupérer les chevaux à la rivière,

 

et tentons d’apprendre le nœud mongole utilisé pour les attacher. Il est un peu plus compliqué que le noeud autobloquant utilisé sur nos chevaux d’occidentaux.

 

Nous essayons de nous mettre au même rythme que les mongoles et entamons une tentative misérable de couper du bois.

 

Muujgii-~69

Muujgii-~174

Fraiseuse sur batterie 12V

C’est déjà l’heure de déguster la soupe de chèvre et de ronger les os… de chèvre. Mais surprise, il y a quelques pommes de terre perdues au milieu du plat, qui ont juste le goût de pommes de terre. Divines. Le yaourt de lait de yack termine le repas.

Nous sommes invités à dormir dans la yourte. Nous nous mettons au lit à 22h30. Peu après les voisins nous rendent visite, alors que tout le monde est couché. Il règne une joyeuse ambiance sans aucune intimité.

 

Jour 5 : chez Muujgii

Nous nous levons au son du poële qui chante. Même à sept sous la yourte, il fait frais le matin. Muujgii rogne quelques os de mouton en guise de pré petit-déjeuner. C’est ensuite l’heure du thé au lait accompagné de la crème de lait étalée sur le pain maison et saupoudré de sucre. Une heureuse alternative au beurre. Nos hôtes sont contents que nous appréciions leur petit-déjeuner, apparemment les touristes ont souvent du mal. Tant qu’il n’y a pas de mouton ou de chèvre, nous sommes aux anges.

Entretien des motos

Entretien des motos

Après ce copieux petit déjeuner, nous allons traire les yacks. Аз заяа (Azzaya), la femme de Muujgii prête un deel (manteau traditionnel) à Charlotte pour cet exercice. Le lait de yack sert chaque jour pour agrémenter le thé, et faire la crème de lait et le yaourt. Il n’y a pas de vache ici, la région est trop froide et montagneuse. Le lait de yack est plus gras. Charlotte récolte presque 50 cl de lait ! Un exploit pour elle et une poussière pour les femmes mongoles.

 

Immédiatement après la traite, le lait est porté à ébullition et mis à reposer pendant 24 heures pour se transformer en la fameuse crème.

 

Tenue de grande occasion

Tenue de grande occasion

 

Nous allons ensuite au village de Рэнчинлхүмбз (Renchinlhkumbe), situé à 12 km, pour acheter de l’eau et de l’essence.

Muujgii-~183

Renchinlhkumbe

Au loin, les montagnes Хорьдол сарьдаг.

Au loin, les montagnes Хорьдол сарьдаг.

 

Nous visitons l’école du village. Un des rares bâtiment en dur. Elle regroupe tous les enfants des environs (jusqu’à 70 kilomètres) de 6 à 18 ans. Nous arrivons entre deux cours et devenons rapidement une attraction pour les élèves.

 

Aujourd’hui 1er octobre, nous tombons le jour de la fête des professeurs, avec une réunion des anciens instituteurs qui font une photo de groupe.

Anciens de l'école

Anciens professeurs de l’école

 

 

 

Une fois rentré, Muujgii selle les chevaux et nous invite à faire un petit tour à cheval. Amaraa se lance au galop et tombe suite à une chute de son cheval qui a glissé sur un crottin… Charlotte n’est pas très rassurée.

Tri de baies

Tri de baies

 

Après la soupe de chèvre de midi, nous jouons aux osselets sous la yourte. Il pleut dehors, encore. La saison est déréglée.

 

Un frichti de pâtes et mouton pour le dîner, arrosé de bière. L’excellent yaourt au lait de yack pour finir. Nous avons 30 km à cheval de prévu demain.

 

Jour 6 : vers Tsaagannuur

Après le petit déjeuner, nous allons faire une petite balade avec Charlotte. L’intimité n’existe décidément pas en Mongolie, puisque les enfants de Muujgi nous rejoignent, tout excités.

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La région de Renchinl

 

Dernière soupe de pâtes au mouton chez Muujgii, avant une petite bière pour se donner le courage d’affronter le froid.

Nous enfourchons nos petites montures mongoles, et chevauchons en direction du lac de Tsaagannuur. Miga nous suit en camion. Nous le perdons rapidement et attendons vingt bonnes minutes. Il s’est probablement embourbé, Muujgii rebrousse donc chemin et nous continuons la route à cheval sous la conduite de son frère aîné, Batdalaï. Il neigeote, mais c’est surtout le vent qui perce les os. Charlotte a un petit coup de stress lorsque son cheval, pourtant tenu en longe par Batdalaï, s’affole.

 

Nous traversons les steppes de Дархадын хотгор, coincé entre au sud les montagnes de Жарын ам (Jariin am) et au nord les montagnes de Сул (Sul). 

 

Rien de plus facile que de faire galoper un cheval mongol, il suffit de crier « tchou, tchou ». Plus on répète le mot, plus il galope fort. Le cheval de Benjamin est brave quoiqu’un peu pépère. Batdalaï propose d’échanger avec celui de Charlotte. Muujgi hésite car il est plus petit. Finalement on échange, et c’est pour le mieux.

 

Charlotte profite d’une pause pour regagner le camion, on peut ensuite avancer un peu plus vite. Benjamin à l’aise sur son poney mongol comme dans un fauteuil, est invité par Muujgi à s’installer faire de l’élevage en Mongolie.

 

Pour les derniers kilomètres, Miga prend le cheval de Muujgi, et Charlotte reprend ses rennes en toute autonomie. La confiance revient petit à petit.

 

Arrivée chez la famille de Энхболд (Enkhbold). Nous sommes accueillis par le traditionnel thé au lait, accompagné de raviolis vapeurs au mouton forts bons (la viande est plus maigre que d’habitude). Ravis de nos compliments, la femme de Enkhbold en refait une fournée. Charlotte met la main à la pâte et apprend à plier les raviolis.

Raviolis vapeur au mouton

Raviolis vapeur au mouton

 

La yourte est neuve et davantage meublée que celle de Muujgii. Ils ont la télévision satellite. Nous sommes perdus dans les steppes du Nord à regarder une sorte d’opéra mongol.

Pas d'eau courante mais la télévision dans la yourte.

Pas d’eau courante mais la télévision dans la yourte

 

La moto 125 cm3 est le moyen de transport élémentaire ici.

La moto 125 cm3 est le moyen de transport rapide et fiable

Jour 7 : vers Tsaaganuur, suite

Il fait très froid ce matin. Charlotte ouvre la porte de la yourte, il a neigé !

 

Petit déjeuner habituel, puis les hommes aident à la vaccination des moutons.

 

Nous partons vers 11h, pour les 35 kilomètres qui nous séparent de chez Шинэнбаяр (Shinenbayr) qui habite près de la rivière Шишхид гол (Kyzyl-Khem). Charlotte a repris confiance et fait environ 20 km à cheval avant de rejoindre le camion de Miga. Le froid est mordant, Benjamin est frigorifié.

 

Chez Shinenbayr, la yourte est plus vieille et l’ameublement plus sommaire. Après le thé au lait de bienvenue, nous allons au village de Tsaaganuur, pour faire valider notre permis d’entrer dans la zone où vivent les Tsaatans. Le village est semblable à tous les autres : toits colorés et chemins défoncés. Il y a l’électricité mais pas d’eau courante.

Tsaagannuur

Tsaagannuur

 

Ne pas espérer une guesthouse avec douche chaude. Nous achetons 1 kilo de bonbons pour les enfants Tsaatans, et de la vodka pour les adultes : d’après Miga, ils nous respecteront davantage si nous apportons de la vodka. Curieux peuple.

 

Au retour nous entamons une petite balade au bord du lac que tous les deux, mais il fait très froid une fois le soleil couché.

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Nous rentrons tout juste pour le repas du soir (une énième variante à base de mouton) dans notre yourte qui sent le fromage à plein nez.

Pendant que nos guides regardent un spectacle comique (style les Inconnus version mongole), nous dressons notre lit, toujours la tête au nord. Une fois couchés, Amaraa sort de la bière et tout le monde nous rejoint pour trinquer. Fatigués par notre journée à cheval nous nous endormons au milieu d’un joyeux brouhaha.

 

Jour 8 : vers les Tsaatans

Nous nous levons courbaturés par les kilomètres à cheval et les nombreuses nuits à même le sol. Charlotte a un petit coup de mou mais il a encore neigé cette nuit et c’est magnifique dehors.

L'hiver est bien là

L’hiver est bien là

Le déjeuner est à base de riz et de mouton étonnamment maigre, c’est presque bon.

 

Préparation des sacoches qui seront portées par notre cheval de bât : le cœur de la taïga n’est pas accessible en camion.

 

Benjamin enfile ensuite un deel et part à cheval jusqu’au pied de la taïga. Charlotte, Amaraa et le reste des bagages suivent en UAZ.

 

Might irait bien aussi à cheval

Might irait bien aussi à cheval

 

Les 10 derniers kilomètres ne sont pas praticables en camion. Batdalaï laisse donc son cheval comme cheval de bât, et nous entamons la montée sous la neige. Deux heures pendant lesquelles on a l’impression d’entrer dans une contrée inexplorée. Le terrain est difficile, les chevaux progressent lentement. Nous croisons des touristes quittant le camp à dos de rennes, les chevaux sont inquiets à la vue de ces quadrupèdes.

Muujgi se met à siffler alors qu’il continue de neiger, sa voix résonne dans la taïga, le temps est suspendu.

 

Nous arrivons au camp dont on distingue à peine les tipis sous la neige. Le tipi de la famille de Ходбаатар (Hodbaatar), notre hôte, est le dernier. Nous attachons les chevaux sous un arbre et courons nous réfugier près du poêle sous le tipi. Ici aussi le thé au lait et le pain avec du sucre sont de rigueur.

 

Vers 17h arrivent d’autres touristes francophones, à dos de renne. Leur guide, resté derrière avec le cheval, les avait enjointes à marcher jusqu’au campement… Heureusement, elles ont trouvé sur leur route le petit convoi de rennes que nous avions aperçu en montant, sinon elles pataugeraient encore dans les marécages.

 

Hodbaatar nous montre notre tipi, avec deux matelas crasseux en guise de lit. Nous avions prévu le coup et apporté nos propres matelas.

Nid douillet

Nid douillet

 

C’est ensuite l’heure de la vodka. Chacun boit un shot tour à tour dans le même verre, jusqu’à ce que la bouteille soit vide. Au bout du 4ème verre, Benjamin chante du Polnareff (la poupée qui fait non) aux mongols. Nous retournons préparer à manger dans notre tipi. Pâtes et légumes à la viande de renne séchée.

Nous chargeons une dernière fois le poêle avant de nous mettre au lit. La température est supportable, mais nous sommes réveillés par un chien venu voler l’énorme morceau de viande de renne. L’animal file avec son larcin sans que nous ne puissions réagir. Nous nous contenterons de thon pour les repas restants.

 

Jour 9 : vivre avec les Tsaatans

6h30, lever de soleil sur le camp

6h30, lever de soleil sur le camp

Levé à 6h30, pour aller traire les rennes. Il fait très froid, nos lingettes bébé (dernier reste de civilisation occidentale) ont gelé, il n’y aura pas de toilette matinale. Il n’y a plus assez de braises dans le poële pour ranimer le feu. Nous nous habillons rapidement et sortons, les hommes sont déjà à l’ouvrage pour déblayer la neige tombée pendant la nuit.

 

Charlotte enfile des bottes en caoutchouc prêtées pour l’occasion. Nous nous éloignons un peu du campement pour retrouver les femelles. La traite n’est pas très différente de celle des yacks mais est rendue assez difficile par l’engourdissement des doigts. Charlotte capitule rapidement et préfère se faire lécher la main par son renne. Nous apprendrons plus tard que les rennes donnent très peu de lait, à peine 15 cl par femelle.

Tsaaganuur-~140

 

Retour dans un tipi pour le petit déjeuner. Puis petite pause avant d’aller faire le pain. Il est 10h30, nous avons raté le rendez-vous pain. La femme d’Hodbaatar avait envoyé sa fille nous prévenir mais nous n’avions pas su interpréter l’apparition timide du messager dans notre tipi.

Nous socialisons avec les deux touristes francophones arrivées à dos de rennes quelques heures après nous. Elles sont toutes deux hébergées dans le tipi de Virginie Efira dans Rendez-vous en terre inconnue. Elles sortent de neuf jours de cheval dans l’Arkangaï, et finissent par le Nord. Pleines d’entrain elles souhaitent se balader dans la taïga. Nos guides sont moins enthousiastes. Il y a vingt centimètres de neige. Nous nous arrêtons dans le premier tipi du camp annexe au nôtre et après un accueil au thé, nous observons notre hôte tailler une pelle avec son couteau. Impressionnant.

Le midi nous retrouvons nos deux comparses afin de partager notre repas (leur guide les a mis au rythme Tsaatan: pas de déjeuner !).

À 16h, tout le campement s’agite, c’est le moment de récupérer les rennes. Nous voyons une centaine de rennes rabattue dans une grande confusion vers le camp par un cavalier. Nous ne comprenons pas trop ce qu’il faut faire. Certains rennes sont attachés individuellement à un arbre, d’autres entravés ensemble jusqu’à former une longue chaîne d’individus. Nous essayons de les guider vers le centre du campement, qui est leur lieu de repos pour la nuit. C’est un joyeux bazar, les cris pour guider les animaux succédant aux petits coups de feuillages pour les faire avancer.

 

Amaraa nous oriente vers un tipi où une vieille dame nous montre ce qu’elle fabrique : gravures sur bois de renne, petits sacs en peau, et couteaux. C’est ensuite toutes les femmes du village, alertées, qui sortent leurs créations.

L’après midi se termine par un petit tour sur des rennes. Charlotte se prend un arbre et tombe dans les trois premières minutes tandis que Benjamin très a l’aise chevauche fièrement son nouvel ami.

 

Le soir nous allons chez notre famille pour notre dernier dîner (préparé par Amaraa) en leur compagnie. Nous sommes rejoints à la fin du repas par nos amies francophones qui apportent vodka et un memory Tintin. Bribes de chansons en français, chants mongoles et tricheries sont au rendez vous.

 

Jour 10 : retour chez Muujgi

Nous sommes réveillés par notre hôte qui vient raviver notre poële, puis c’est Muujgii qui vient faire dégeler les longes des chevaux. Il neige encore. Nous partirons donc sans avoir vu le soleil chez les Tsaatans.

Sur le chemin du retour, les chevaux ont beaucoup d’impulsion, et bataillent ferme contre le terrain. Le renne serait bien plus adapté à cette descente. Le cheval de Charlotte fait le mauvais choix et reste coincé dans le lit d’un ruisseau. Elle tombe. Plus de peur que de mal, le pantalon en poil de chameau ne laisse rien passer.

Deux heures à avancer sous ce léger blizzard avant de retrouver le camion de Miga, venu à notre rencontre depuis Tsaaganuur. Il est accompagné de Batdalaï, qui récupère les chevaux avec Muujgii. Nous nous réfugions dans la camionnette.

Le temps qui nous a tous surpris nous oblige à changer de programme, encore une fois. La route que nous devons emprunter pour rejoindre Moron en passant par le village de Oulan-Oul est très difficile, et ces conditions météo compliquent encore plus la tâche. Nous retournons donc chez Muujgii qui tient à nous conduire jusqu’à Mörön. Pas de problème, nous lui faisons confiance. Nous prenons le camion, Muujgii et son frère rameneront les chevaux sur les 80 kilomètres.

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Provision d’eau pour la famille qui nous hébergeait hier soir.

 

Le jeu de piste pour retrouver le chemin jusqu’à chez Muujgii est encore une fois assuré par Miga et Amaraa. Nous nous arrêtons plusieurs fois chez des nomades pour demander notre chemin. Le pont pour traverser la rivière est particulièrement difficile à trouver sous la neige. En quatre jours les steppes ocres que nous avions arpentées à cheval se sont recouvertes d’un épais manteau blanc.

 

Nous nous sortons avec brio d’un enneigement, tous les quatre.

 

Arrivés à proximité de Renchinlkhumbe à la nuit tombée, il nous reste une quinzaine de kilomètres pour rejoindre la yourte de Muujgii, mais nous ne les trouverons pas tous seuls… Eké, qui était déjà de la partie lors de notre arrivée rocambolesque du jour 3, nous mène à bon port.

Retour au bercail

Retour au bercail

Dans la yourte, nous retrouvons toute la famille et apprenons que Muujgii et Batdalaï, doutant de nos capacités d’orientation, nous ont attendu sur le chemin. Nous nous sommes manqués. Du coup ils dorment chez Enkhbold et nous rejoindront demain matin. La nuit est difficile pour Benjamin qui a pris un coup de froid.

 

Jour 11 : vers Oulan-Oul

La femme de Muujgii prépare du riz pour soigner Benjamin, et nous partons vers Renchinlkhumbe pour rejoindre la route qui nous conduira vers Oulan-Oul. Nous déposons sa mère au village et tournons un peu pour demander l’état de la route jusqu’à Mörön. Au passage, nous prenons une passagère qui attendait justement une opportunité pour rejoindre cette ville. Le téléphone arabe marche très bien ici.

Dernière emplettes

Dernières emplettes

 

Bonne nouvelle, la neige a épargné le sud. Muujgi nous conduira donc sur la section la plus difficile avant d’être récupéré à mi- chemin par des amis venant de Mörön. Tout se goupille bien, l’entraide est une valeur cardinale ici.

Ovoo à la sortie de Oulan-Oul

Ovoo à la sortie de Oulan-Oul

 

Muujgii nous laisse après nous avoir fait passer un dernier lit de rivière gelée. Un poids lourd est bloqué là depuis trois jours.

L’équipage qui récupère Muujgii est conduit par Eké (encore lui !!), qui a été chercher des invités à Mörön. Le bonhomme se marrie en effet demain ! Pas stressé.

Au total, nous mettrons tout de même plus de cinq heures à parcourir les 80 km nous séparant de notre guesthouse à Toom.

L’endroit est sordide mais son propriétaire d’une gentillesse incroyable. En arrivant il faut allumer le poêle, et réaménager un peu les lieux. La moto (le bien le plus précieux de notre hôte) est reléguée dans un coin. Nous dressons notre lit sur des planches en bois, la fenêtre près de notre lit est cassée et un froid glacial s’infiltre.

Amaraa et notre covoitureuse nous préparent le repas du soir. Au menu, gambir maison et poisson mariné en conserve de la mère de Muujgi. C’est un régal, notre meilleur repas sur la route (le poisson, remède à la chèvre).

 

Amaraa et Miga préfèrent manger dans la cantine du coin. Benjamin, fatigué par sa nuit éprouvante se met rapidement au lit et Charlotte suit. Notre hôte vient alors nous rajouter de multiples couvertures, alors que lui même dormira à même le sol sur une peau de chèvre…

 

Jour 12 : retour à Mörön

Au petit matin c’est Miga qui nous prépare des gambirs car nous n’avons plus de pain. D’humeur inventive, Charlotte propose d’en farcir quelques-uns avec les kinders qu’il nous reste. Une tuerie.

Réchauffage des trains du camion

Réchauffage des trains du camion

Nous sommes prêts et impatients de repartir (nous savons qu’une douche chaude nous attend à Mörön – la première depuis 10 jours !), mais le camion de Miga en a décidé autrement : le démarreur est gelé. Puis les garçons poussent la voiture d’avant en arrière pour essayer de débloquer les roues , elles aussi gelées !

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Nous arriverons finalement vers 15h à Moron. Tout le monde succombe à l’appel de la douche chaude, malheureusement pour Benjamin elle sera froide : Charlotte n’a pas remarqué que le ballon d’eau chaude n’était pas branché !

Le soir, nous apprenons que nous rentrerons directement à Oulan-Baator sans passer par Karakorum car les pistes se sont trop dégradées avec la neige. Épuisés physiquement et mentalement par notre voyage, nous acceptons ce retour anticipé.

Le covoiturage en Mongolie, un art de vivre

Le covoiturage en Mongolie, un art de vivre

 

Jour 13 : retour à Oulan-Bator

Nous avalons rapidement les kilomètres lors de notre dernière journée, nous arrêtant simplement pour quelques pauses pipis et un repas dans la cantine d’un hypermarché. Nous arrivons dans les bouchons à Oulan-Bator, c’est un petit choc après 12 jours de dépaysement total…

Il va nous falloir quelques jours pour revenir à la vie citadine.

 


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4 commentaires sur “Mongolie, vers le nord : Oulan-Bator jusque chez les Tsaatans, 27 septembre – 9 octobre 2016

  • Constance-Elia COCHET

    Bonjour à vous deux,
    Nous venons de lire cet article avant de nous coucher et nous sommes d’autant plus ravis d’avoir un vrai lit et une fenêtre étanche ! En revanche, nous sommes époustouflés par vos photos, ce que vous vivez et ces superbes contrées que vous explorez ! Nous espérons que ce voyage est à la hauteur de vos espérances et vous embrassons bien fort.
    Constance & Olivier

    • durocketukarrots Auteur de l’article

      Salut constance et Olivier. Nous sommes heureux que notre récit vous plaise. La Chine est un pays développé, difficile de trouver l’équivalent de notre expérience mongol ici. Bises à vous deux.

  • Uncle Phil'

    Ben, mon neveu ! Ça me rappelle un récit de voyage qui commençait ainsi : « Dans une plaine balayée 6 mois de l’année par les vents glacés venus de Sibérie … » qui avait déclenché en moi la réaction immédiate « je veux pas y alleeeeeerrr ! ».
    Ta grand-mère a lu d’un trait ce récit, en le ponctuant régulièrement de « Quelle aventure ! » bien sentis. Bonne continuation dans votre périple et merci de nous faire voyager dans vos sacoches. Oncle Phil’