West Highland Way, 8 – 15 Juillet 2016


Partir autour du monde, pour retrouver un peu de liberté. Mais la contrepartie de cette liberté peut vite devenir un fardeau : le parfait nomade doit en effet être capable d’emporter partout avec lui ce qu’il estime indispensable pour pouvoir continuer à vivre confortablement et en sécurité, tout en étant libre de ses mouvements.

 

Il n’y a pas de réponse universelle à la question « qu’emmener ? ». Nous avons choisi de ne pas détailler ici nos préparatifs, notamment sur l’équipement, pour deux raisons :

La première, c’est que nous arrivons après la bataille, le sujet ayant été abondamment traité sur de multiples blogs.

La seconde, c’est que la lettre de ces foisonnantes recommandations est en grande partie inutile : il y a de multiples façons de voyager, qui en dernier ressort dépendent uniquement du projet du voyageur (ce qu’il veut faire), et bien sûr, de son expérience (ce qu’il peut faire).

Nous voyagerons léger. Moins de douleur, moins de contrainte, plus de rationalité et donc plus de liberté. Il nous fallait néanmoins valider notre matériel ainsi que notre capacité à le supporter au long cours.

Parcours du West Highland Way

156 km de Minlgavie à Fort Williams

Le West Highland Way est un des treks les plus fameux d’Écosse. 153 km, partant de Milngavie, au nord de Glasgow, pour atteindre Fort Williams, dans le nord du pays, après avoir notamment longé le Loch Lomond et traversé les Highlands. Il nous est apparu comme le trek idéal, puisque de difficulté intermédiaire, suffisamment long pour tester notre capacité à l’autonomie, avec des conditions climatiques assez intéressantes, et ne nécessitant pas un engagement démesuré (un billet d’avion Paris-Glasgow).

Plusieurs répartitions de parcours sont suggérées sur la carte officielle. Il s’agit clairement d’une randonnée « européenne » : le découpage, même le plus long, s’adresse à des marcheurs en forme, et la randonnée comporte plusieurs difficultés.

Au final, nous l’avons bouclé dans les délais prévus malgré un début difficile, pas aidé par les intempéries écossaises.

Soyons honnêtes, il ne s’agit pas d’un trek inoubliable. Dans la première partie, qui a le mérite de mettre en jambes les grands sportifs dont nous faisons partie, pointait même parfois l’ennui. Sous la pluie écossaise, la progression le long du Loch Lomond a été pénible. Le final est nettement plus intéressant et ravira le photographe même si les conditions de lumière peuvent être difficile lorsque la grisaille remplit la moitié de votre cadre….

Il s’agit à notre avis d’un trek test parfait pour ceux qui n’ont jamais fait de randonnée en autonomie. Le parcours monte doucement en puissance, il passe par plusieurs villes qui permettent, comme nous l’avons fait, de se contenter d’une semi-autonomie (un seul repas à préparer, et possibilité de se ravitailler toutes les 48h).

Plusieurs personnes se font déposer leur sac entre les campings. Nous ne comprenons pas l’intérêt d’une telle démarche. Il est aussi possible en s’y prenant bien à l’avance, de dormir en dur dans des « huttes » et donc de ne pas se charger avec le matériel de bivouac. C’est déjà plus noble.

Enfin, nous avons croisé plusieurs mulets avec ~20kg sur le dos. Même s’ils souffrent, le trek est trop court pour laisser le temps de s’épuiser. C’est donc un chemin qui pardonne les erreurs de débutants.

 

De Milngavie à Drymen

Première étape marquée sous le sceau de l’optimisme (il fait beau, et malgré ses complaintes, Charlotte arrive à marcher avec son sac). Beaucoup de plat, des prés à vache, et des portes à mouton.

Le camping à Drymen est délabré mais abrité et intimiste. Premier plantage de tente réussi. Nous rencontrons les têtes que nous ne cesserons de revoir les jours suivants, au gré des aléas de notre progression. Markus, un allemand qui n’en est pas à son premier trek, et deux garçons polonais chargés comme des mulets.

Je me couche en me disant que l’on risque de s’ennuyer…

 

De Drymen à Sallochy

Levé tardif, je n’ai évidemment pas dormi. J’ai toujours besoin d’un ou deux jours d’acclimatation avant de pouvoir dormir correctement en bivouac. Tout le monde a déjà levé le camp et est prêt à partir. Charlotte a déjà mal aux épaules et je la soupçonne de regretter déjà d’avoir pris le jean de trop.

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Levé de soleil près de Drymen

Après ce bel aurore, la grisaille s’installe. Nous croisons un groupe de retraitées admiratives de notre amour de leur pays malgré son climat ingrat.

 

Nous commençons ensuite l’ascension de Conic Hill, petite montagne d’où l’on domine le Loch Lomond.

 

Beaucoup de monde débutant l’ascension par l’autre côté, à partir du port de Balmaha. De vue sur le Lock Lomond nous ne profiterons pas, la grisaille laissant rapidement place à la pluie, puis à un véritable déluge lors de la descente. Nous trouvons refuge dans un des deux pubs de Balmaha, où nous nous accordons une longue pause déjeuner, le temps de sécher avant de répartir sur le sentier.

Le programme prévoit un arrêt à Rowardennan, à 11 km au nord, au bord du Loch. Il est 15h, nous ne pousserons pas jusque là, d’autant plus que l’on n’y trouve qu’une auberge de jeunesse. Nous avons passé l’âge. Nous visons le camping de Cashell, à 5 km de là.

 

Sur le chemin, nous trouvons une carte indiquant un emplacement de camping sauvage à Sallochy. Nous avons encore le temps de pousser jusque là : selon la garde de Cashell, il est à environ 1 mile… Il est difficile pour un européen continental d’avoir une représentation intuitive du mile. Au bout de 30 minutes de marche, nous redoutons l’avoir manqué, hésitons même à rebrousser chemin. Charlotte, avare de ses kilojoules, et pour le coup bien inspirée, refuse et continue d’avancer.

Nous atteignons finalement le campement, et c’est un bon choix : en marge du grand emplacement central au milieu des voitures et camping-car, se trouvent plusieurs spots enclavés bien tranquilles. Je choisis l’endroit le plus improbable, et nous préparons rapidement à manger pour clore cette journée déjà nettement plus éprouvante que la précédente.

 

De Sallochy à Inversnaid

La journée lose. Nous partons tôt de Sallochy, et réussissons à plier bagage avant la pluie. Sur le papier, une grosse journée nous attend, puisque nous avons déjà 5km de retard sur les 22 km prévu pour rallier Inverarnan. Dans la pratique, c’est encore plus difficile car le chemin, à flanc des berges du Loch, serpente de haut en bas et de droite à gauche dans une épaisse forêt. Au moins celle-ci nous protège-t’elle de la pluie, mais la marche est inutilement pénible car il n’y a tout simplement rien à voir.

Sur la carte apparaissent deux sentiers parallèles, nous n’avons pas remarqué l’embranchement mais nous sommes sur celui qui est le plus proche de l’eau. Vers 14h, nous trouvons abri dans une bunkhouse (Rowchoish) un peu en retrait du chemin pour éviter un orage et manger. Une randonneuse nous apprend que le chemin au bord du Loch est l’option la plus difficile… Et que le prochain camping est à Inverarnan, à plus de 15km d’un sentier du même tonneau.

 

Nous rallions péniblement le -tout petit- port de Inversnaid. Sortent de l’hôtel nos collègues polonais, qui ont marché dur puisqu’ils nous ont dépassés bien que partis après nous le matin. L’un d’eux boite sévèrement mais ils sont décidés à boucler les 10 km restant ce soir. Nous voyant hésitants, ils se mettent en route car le temps presse, il est déjà 16h15. Charlotte ne veut plus bouger. S’ensuit une dispute car je considère qu’il n’y a rien d’autre à faire que de marcher. La mort dans l’âme je me résigne à prendre le taxi navette qui nous dépose à la bunkhouse de Inversnaid, où nous plantons la tente à côté de la route, fort heureusement peu fréquentée.

Le personnel de la bunkhouse est adorable. Le chauffeur de la navette, un peu bourru de prime abord est aussi le cuistot. Le restaurant propose une variété de bière en bouteille assez incroyable pour l’endroit !!

Je m’adoucis lorsque nous nous accordons un repas (Charlotte choisit le ragout écossais, meilleur choix, le chauffeur cuisine bien), en nous préparant à regarder la finale de l’Euro France – Portugal. La France perd 1-0 contre une équipe sans talent, c’est décidément une journée lose, nous y mettons un terme en allant nous coucher.

 

D’Inversnaid à Auchtertyre

Au réveil, l’intérieur de la tente est trempé de condensation. Nous découvrons la contrainte d’un abri mono-toit : la gestion de la condensation, inévitable. Notre emplacement cette nuit était très abrité, avec très peu de circulation d’air. J’éponge (c’est le mot) les parois avant tout mouvement, afin de préserver le duvet du sac de couchage de l’humidité.

La bunkhouse d’Inversnaid est un repaire de motards. Charlotte a fait l’erreur de mettre ses chaussures un peu mouillées en surface dans la « drying room » remplie de blouson en cuir humides. L’intérieur des chaussures est à présent légèrement humide également…

Un groupe d’écossais qui a loué un des appartement nous invite à finir leur petit-déjeuner !! Au menu, bacon et rolls à la margarine. Il manque toujours un café décent, mais la journée commence bien.

Après le désaccord d’hier, chacun a bien pris soin d’éviter de parler de l’itinéraire d’aujourd’hui, nous nous mettons simplement en route. Rien à signaler sur ce tronçon un peu ennuyeux, à part une « honesty box » plus intéressante que la moyenne : des cookies et shortbreads maisons, des fruits (sic !!), et de l’eau citronnée.

 

Nous atteignons un point de sortie, l’embarcadère d’Ardelish. Il permet de rejoindre un hôtel à Ardlui, de l’autre côté du Loch, et peut aussi bien servir de point d’entrée pour qui veut court-circuiter la partie la moins intéressante du trek. Le campement que nous aurions dû atteindre hier est encore à 2 miles.

Le ferry pour Ardui

 

Nous arrivons finalement à Beinglas Farm vers 14h30. Le site est désert. L’autoroute est très très proche. Nous aurons été frappé tout le long de ce trek par la proximité de l’autoroute A82, que l’on ne quitte jamais vraiment. Nous la longerons aujourd’hui pendant encore 9km avant de nous en éloigner lors de la montée vers Crianlarich.

Nous pénétrons maintenant véritablement dans les Highlands, le mouton est chez lui.

 

Crianlarich est un peu à l’écart du West Highland Way. C’est un bon point pour moi, j’arrive à convaincre Charlotte, moyennant de périlleuses arguties autour des dénivelés indiqués sur la carte, de pousser jusqu’au campement d’Auchtertyre. Après une dernière montée à travers une épaisse forêt, nous traversons la A82 (encore elle…) et savourons l’arrivée dans la vallée de la rivière Fillan, magnifique.

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Moutons écossais

 

Le ciel menaçant contraste avec le vert chatoyant des prés parsemés de moutons.

Nous arrivons au campement juste avant la fermeture de la boutique, le temps d’acheter du magret de canard fumé pour parfumer un peu les pâtes, et aussi du chocolat (indispensable pour le moral, le chocolat). Le sol est moelleux et je m’apprête à passer une bonne nuit. Je me réveillerai quelques heures plus tard, grelotant de froid suite au dégonflage de mon matelas. Un Thermarest classique acheté pour ma première rando à cheval, je devais avoir 12-13 ans. Son heure était venue. Nous nous serrons sur le matelas sarcophage de Charlotte.

 

D’Auchtertyre à Glencoe Mountain

Nous décidons de partir tôt, sans prendre le temps de petit déjeuner : Tyndrum est tout prêt. L’air de rien, nous avons rattrapé hier la moitié de notre retard accumulé au 3ème jour. On ne fanfaronne pas pour autant, car aujourd’hui est la journée la plus longue : 32km de Tyndrum à Kingshouse. Nous avalons un petit déjeuner de type américain dans une cafétéria déprimante, achetons des bananes et quelques féculents pour reconstituer notre stock, et quittons Tyndrum très tardivement : 10h30. Il faudra cravacher.

Après Tyndrum, le chemin longe la voie ferré du train reliant Glasgow à Fort Williams. Le vénérable Markus nous avouera deux jours plus tard l’avoir emprunté pour rallier directement Bridge of Orchy afin d’être frais pour le gros morceau de la journée : la traversée de Rannoch Moor. Pressentant la difficulté, je propose de manger à Bridge of Orchy. Nous reprenons ensuite sans tarder notre marche vers Invernoran.

 

Nous ne manquons évidemment pas d’immortaliser notre 100ème kilomètre.

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Kilomètre 100

 

Insouciants, nous commençons la montée vers Rannoch Moor.

 

Ce sera très dur. Le chemin très long et légèrement pentu, traverse droit au milieu des marécages. Entourés de multiples massifs montagneux, nous progressons lentement. Un groupe de vttistes nous rattrape juste avant le dernier sommet. J’envie leur descente, qui pour nous sera interminable, sur un sentier très casse-pattes.

Sans concertation, Charlotte oblique immédiatement vers le camping de Glencoe Farm lorsque la pancarte salvatrice apparait. C’est une minuscule station de ski, assez laide mais aux installations ultra-modernes.

 

Nous retrouvons les deux polonais au bar vers 20h, ils nous demandent, ahuris, si on a pris le bus, visiblement impressionnés. Effectivement, nous avons rattrapé presque intégralement notre retard, avec plus de 35 km parcouru aujourd’hui !! Nous discutons un peu, ils avouent avoir beaucoup de mal avec leurs sacs même si cela s’améliore au fur et à mesure que les provisions sont consommées. Il faut dire que nos deux amis ne mégotent pas, ils trimballent des conserves très élaborées, là où nous nous contentons de semoule et autres flocons de pomme de terre, agrémentés d’un peu de viande séchée.

Je fais quelques photos de l’atmosphère crépusculaire avant d’aller me coucher.

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Crépuscule à Glencoe Mountain

 

De Glencoe Mountain à Kinlochleven

Petite mais belle étape. Le chemin longe encore une fois la A82 avant de s’en séparer au niveau du Devil’s staircase, un mont dont l’ascension nous amène au point culminant de la randonnée, à 550m. Le sentier est très fréquenté en comparaison de la section précédente, je n’aime pas beaucoup cela, on laisse une autoroute pour une autre…

 

Nous descendons rapidement vers Kinlochleven sous la pluie intermittente. Il faut quitter momentanément le sentier balisé pour gagner le village et sa fonderie désaffectée. On a connu entrée plus flatteuse. Un premier camping, pas très attrayant, se trouve juste en face de ce site et sa centrale électrique. Nous choisissons de continuer et nous arrêtons dans un pub pour profiter d’un pre-theater meal : 2 plats pour 10£. Et en plus, c’est bon. Je pars en reconnaissance pour aller voir la tête du camping Mac Donald, à la sortie du village, et c’est nettement mieux que la première option. Pub sympa (avec hamburgers délicieux pour notre second repas du soir, post-theater meal), et pelouse retirée avec une belle vue sur un lac. Sans oublier l’eau chaude illimitée : marché conclu !!

Nous retrouvons Markus qui nous fait profiter de son expérience sur certaines étapes de notre tour du monde à venir : Les Annapurnas au Népal, et de multiple treks au Pérou et au Chili. Je suis vite remis à ma place lorsque je questionne l’absence de sa femme : il dit que Charlotte et moi avons beaucoup de chance d’aimer randonner ensemble. Pardon Monsieur.

Nous allons nous coucher bercés par le bruit assourdissant du ruisseau d’à côté : le bon plan pour éviter d’être réveiller par les bruits de comportement voisins ou les moteurs pétaradants. Nous avons aspergé à titre préventif la tente de spray anti-midges, ils nous laisseront en paix ce soir.

 

De Kinlochleven à Glenn Navis

Matin très paresseux, nous réussissons à lever le camp à 10h30.

Vue de Kinlochleven, un des plus laids villages d’Écosse

L’étape d’aujourd’hui est l’une des plus belles, nonobstant le monde. La route serpente à travers les Highlands pendant 12 km avant de s’enfoncer dans la forêt dont une partie est difficile.

 

On en émerge pour descendre soit sur le camping de Glenn Navis, soit directement sur Fort Williams (ce « raccourci » permet de gagner un peu moins d’1km).

 

Ce camping dont on nous a dit grand mal est en fait très agréable. Nous choisissons un endroit bien isolé pour planter la tente, et allons manger une bonne entrecôte au pub d’à côté.

Dernière nuit sous la tente

Dernière nuit sous la tente

 

De Glenn Navis à Fort Williams

Nous parcourons les 5 kms qui nous séparent de la ville sous la pluie. À la gare, le prochain train pour Glasgow est dans 10 minutes. Nous décidons de ne pas terminer les 500 m restant. Nous n’aurons pas de photo du final, la pluie écossaise aura finalement eu raison de notre volonté dans les derniers mètres.

 

Bilan

Très belle randonnée pour qui aime l’Écosse et n’a pas peur de la pluie. Il serait néanmoins judicieux d’optimiser le parcours, en court-circuitant la première partie le long du Loch Lomond, qui n’offre que peu d’intérêt. Il faut aussi accepter la fréquentation assez importante, et le désenchantement provoqué par la présence de l’autoroute ou des travaux publics jusque sur le chemin.

Pour le bivouac, il n’y a pas le choix le long du Loch, le camping sauvage étant interdit. Pour le reste, même si cela ne faisait de toute façon pas partie de nos plans, il nous est apparu difficile de trouver des endroits tranquilles et non détrempés pour planter la tente. Les campings n’ont rien de sordide, et à part à Glenn Navis, sont utilisés par des marcheurs, donc calmes.

À bientôt pour d’autres carnets !

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