Abel Tasman Coast Track, 28 avril – 1er mai 2017


Soixante kilomètres de tramping sur le chemin côtier traversant le Abel Tasman National Park.

 

Jour 1 : de Wainui à Awaroa

Une pluie fine mais persistante retarde nos préparatifs. Benjamin largue l’unique bouquin qu’il se trimballait depuis des mois sans l’avancer, Oliver Twist. Après le petit-déjeuner, la pluie s’intensifie, nous nous équipons de nos tenues imperméables et commençons le stop un peu tard, vers 9h00. Le temps est affreux et nous sommes rapidement trempés. Une jeune femme originaire des îles Fidji s’arrête, elle nous dépose à Pohara, mais nous ne la poussons pas à nous emmener sur les quinze kilomètres restant car elle ne connaît pas bien la région.

Nous attendons mais aucune voiture ne vient dans notre sens, et nous commençons à nous inquiéter. Nous avons prévu une grosse journée de 22.6 kilomètres et il est déjà presque 10h00… En essayant de retrouver notre conductrice pour la convaincre de nous emmener, nous abordons une dame qui semble décharger sa voiture. Elle accepte tout de suite de nous conduire au départ de la randonnée, nous l’aidons à décharger son coffre et elle nous dispose des serviettes sur la banquette arrière pour ne pas ruiner les beaux sièges cuir vanille de son Audi Q5. En fait nous l’avons dérangée alors qu’elle chargeait sa voiture pour rentrer de vacances, ce qui rend sa gentillesse encore plus appréciable. Nous arrivons au parking de Wainui où trois randonneurs attendent le bus sous l’abri. Ils nous souhaitent bonne route et nous commençons joyeusement.

Le chemin monte un peu et suit une crête d’où la vue sur la baie est probablement magnifique, mais nous ne voyons rien.

Isthme de Takapou Bay

 

Environ trois kilomètres après le départ, nous croisons un randonneur paniqué dans un joli poncho rose qui nous demande avec insistance si l’on trouve à manger et une cabine téléphonique au parking final. Il nous dit que ses provisions ont été volées par des wekas et qu’il ne mange que du humus depuis hier… Nous le rassurons et lui offrons une barre de céréales pour lui donner du courage. Il semble vraiment épuisé, nous ne comprenons pas comment il est possible de se mettre dans une situation aussi critique sur une randonnée aussi facile.

 

Nous continuons jusqu’à la première hutte de Whariwharangi où nous nous offrons une pause shortbread bien méritée.

 

La hutte est tout en bois ; il s’agit d’une ferme restaurée et les dortoirs du rez-de-chaussée sont à taille humaine (seulement quatre lits). Nous repartons à 12h30. Nous avons bien avancé en parcourant 5.7 km en moins d’une heure et demie, mais il nous faut tenir le rythme car nous avons encore 5h30 de marche pour atteindre notre campement avant la marée haute (18h35) et la nuit (qui tombe vers 17h30).

 

Le temps étant nuageux mais aussi très compté, nous ne faisons pas le détour par Separation Point et continuons jusqu’à Mutton Cove, beau campement sur une plage, abrité par un grand arbre.

 

Le sentier alterne montées pour rejoindre les crêtes et descente sur les baies. Bien que situé sur une magnifique plage, le campsite d’Anapai Bay n’est pas franchement engageant, enfoui dans la forêt.

 

Nous arrivons à Totaranui vers 15h30.

 

C’est un immense camping accessible par la route, mais complètement désert aujourd’hui. Nous mangeons une pomme et repartons à 15h45. Il ne faut pas traîner pour ne pas se faire surprendre par la marée et/ou la nuit.

 

Nous atteignons l’estuaire de Awaroa vers 17h45. Il n’est pas possible de traverser les pieds au sec, nous enlevons donc les chaussures et retroussons les pantalons. Benjamin passe devant pour tester la hauteur de la rivière. Au plus profond, l’eau lui arrive jusqu’aux genoux et Charlotte mouille donc son pantalon pour traverser. Nous ne prenons pas toutes les précautions pour passer au sec car nous sentons le cours d’eau se vider, indiquant le retour de la marée. De l’autre côté, des gens installés dans la hutte nous font des signaux lumineux.

Nous croisons Niels, un suédois qui campe lui aussi. Il est arrivé en début de marée basse, avec un niveau d’eau à la taille. Il a traversé en slip, nous nous en sortons bien. Nous plantons la tente et Charlotte prépare un délicieux couscous pendant que Benjamin va faire sécher nos chaussures près du poêle dans la hutte. Une petite fille fait à Benjamin une démonstration de ses rudiments de français.

Nous ne faisons pas long feu et nous couchons rapidement. Demain est une journée relativement facile avec seulement 13.5 km jusqu’à Bark Bay.

 


Jour 2 : de Awaroa à Bark Bay

Nous levons le camp, comme à notre habitude, plutôt lentement. L’estuaire est rempli par la marée, les randonneurs de la hutte se sont levés le matin à 4h00 pour le traverser.

 

Le temps est maussade et cette matinée de marche ne nous enchante guère. Benjamin part faire une petite boucle dans la baie de Awaroa tandis que Charlotte bouquine sur un banc. Il y trouve un site de glamping ; les propriétaires sont un peu vexés lorsque Benjamin leur demande ce que cela veut dire : glamour camping -il fallait oser- . Il y a aussi plusieurs lodges, et une pizzeria, fermés car c’est déjà la fin de la saison. Et même une piste d’atterrissage pour petits aéronefs !!

Nous passons le pont et le camping de Onetahuti et laissons Niels seul au campsite de Tonga Quarry, ses amis le rejoignent en bateau-taxi le lendemain. Le camping est pratiquement sur la plage et on y trouve des vestiges de l’ancienne carrière de pierre.

 

Nous devons contourner la baie de Bar Bay car la marée ne nous est pas favorable. Dommage qu’il n’y ait pas quelques canoés à disposition pour traverser lorsque l’eau est trop haute.

Nous arrivons sur le coup des trois heures au camping, et découvrons un bel espace au milieu de deux baies, avec des barbecues extérieurs et des rondins de bois pour s’asseoir autour du feu.

 

Nous plantons la tente en espérant que nous serons seuls, l’endroit est idyllique.

Le warden nous rejoint vers 16h30 pour vérifier notre réservation. Nous sommes les seuls à camper ce soir, et on annonce un gros orage. Il reste de la place dans la hutte, il nous propose d’y dormir au chaud. Quand Benjamin répond que dormir en dur est hors budget, il nous offre gentiment de dormir dans la hutte sans frais supplémentaires si nous promettons dire avoir demandé un upgrade en cas de question des autres randonneurs. Nous hésitons car nous (surtout Benjamin) n’aimons pas nous entasser avec les gens. Entre le déluge tranquille et le dortoir chauffé mais bondé, nous choisissons le déluge. Constatant notre hésitation et comme lisant dans nos pensées, le warden nous offre de rester un peu à l’écart dans un dortoir réservé au personnel. Le grand luxe.

Charlotte réjouie à l’idée de dormir au chaud

 

Cette fois nous ne pouvons refuser, rangeons notre tente en quelques minutes et prenons place dans notre chambre.

Notre chambre dans la hutte de Bark Bay

 

Le soir, notre plat à base de saucisses, bacon et purée de pomme de terre accompagnés d’une petite salade tomates/avocats fait saliver nos voisins qui sont aux plats lyo. Nous représentons fièrement l’art de vivre français, même en trek.

Nous aménageons notre hutte privée en mettant deux matelas par terre pour pouvoir dormir côte à côte et nous regardons le dernier épisode de Westworld. Benjamin voit ainsi l’effort supplémentaire de porter un kilo de matériel superflu, enfin récompensé. Nous sommes les rois.

 

Jour 3 : de Bark Bay à Akersten Bay

Au petit matin nous petit-déjeunons avec tout le monde avant d’entamer la dernière grosse journée de marche.

 

Nous passons le village de Torrent Bay, et encore une fois la marée haute nous empêche de couper à travers l’estuaire. Nous prenons donc le contournement de trois kilomètres supplémentaires jusqu’à Anchorage.

 

Nous descendons un chemin assez abrupt qui mène à notre camping du soir. Nous avons choisi d’éviter le gros camping d’Anchorage, pour un petit camping de trois emplacements en tout et pour tout, et surtout une belle plage, Akersten Bay.

Il est encore tôt et nous hésitons à finir la randonnée aujourd’hui car il ne fait aucun doute que la nuit sera orageuse. Mais nous avons survécu à Bornéo et le camping est déjà payé, nous choisissons donc de rester. Sentant la pluie imminente, nous installons rapidement notre campement pour la nuit. Nous avons tout juste le temps de nous mettre à l’abri dans la tente lorsque le déluge commence. Nous découvrons avec angoisse une fuite dans une des coutures du toit de notre tente, catastrophe ! Heureusement Charlotte qui a de la suite dans les idées découpe une petite partie de notre couverture de survie (dont on se demandait bien si elle allait se révéler un jour utile), que nous positionnons à l’extérieur pour éviter l’infiltration d’eau. Ça tient et nous pouvons attendre patiemment la fin de la tempête.

Nous entendons vaguement deux voix parlant français qui se dissipent rapidement, et nous ne savons pas si elles sont venues pour planter la tente ou juste voir la plage. Avec le rideau de pluie nous ne nous risquons pas à sortir… La cuvette dans laquelle nous sommes se remplit doucement mais sûrement et il est temps que cela se calme si nous ne voulons pas finir inondés.

 

Alors que nous préparons notre premier repas du tour du monde sous l’abside, nous entendons une voix qui nous annonce fièrement qu’elle a du vin, des pies, et un abri dans une grotte décorée de vers luisants et que nous sommes attendus ! Un peu sceptiques, nous nous dépêchons de finir la préparation de la polenta et attrapons quelques olives pour répondre à cette invitation inattendue.

Nous faisons ainsi la connaissance de Sonia et Victoria, une suisse et une française venues apprendre l’anglais en Nouvelle-Zélande. Nous passons une soirée délicieuse à échanger sur les voyages, la jeunesse, et à nous émerveiller devant la grotte qui s’illumine de milliers de vers luisants.

 

C’est magique.

Lors d’une accalmie nous aidons les filles à monter leur tente scout, une vraie de vraie (deux piquets verticaux et un piquet horizontal), sur le dernier emplacement disponible. La tente pèse plus de trois kilos et est immense, un vrai palace.

 


Jour 4 : de Akersten Bay à Marahau

La pluie a cessé de battre cette nuit et en nous levant nous voyons même quelques rayons de soleil traverser les arbres qui nous entourent.

 

Nous tendons une corde pour faire sécher quelques affaires. Un couple d’allemand arrivé dans la soirée fait de même. Toutes leurs affaires sont trempées et nous les plaignons d’autant plus qu’ils sont chargés comme des mulets.

Après le petit déjeuner nous remontons sur le chemin principal, où nous croisons Niels et ses amis. Benjamin les retrouve à Gilbert Point, où il se sont baignés avec des phoques !!

 

Nous avalons sous un soleil radieux les derniers kilomètres nous séparant de Marahau.

 

 

Nous commençons à marcher en direction de Motueka, aucune voiture ne s’arrête pour nous et nous commençons à regretter de ne pas avoir demandé à Niels et ses amis de nous ramener à Nelson…

Nous achetons des golden kiwis pour nous remonter le moral, et attendons. Finalement une petite auto s’arrête en sens inverse et nous demande où nous allons. Heather nous avait vu en passant et a rebroussé chemin pour nous. Elle est canadienne et travaille en Nouvelle-Zélande depuis plus de six mois. Elle rentre dans quelques jours pour une opération au genou, et a donc décidé de louer une voiture pour explorer ce qu’elle n’avait pas encore vu. Elle projette de faire le Pacific Crest Trail dans quelques mois, Benjamin est impressionné.

Elle nous dépose à Richmond où nous avons beaucoup de mal à trouver une autre voiture pour Nelson. Quinze minutes plus tard, un anglais avec deux beaux chiens nous prend et nous dépose juste avant le centre-ville puis un jeune nous avance sur les derniers kilomètres jusqu’à Trafalgar street, la rue principale. Nous demandons le prix de la chambre au Kings Gate Motel mais elle ne nous convainc pas.

Nous marchons et cherchons un endroit où manger mais il est déjà 15h00 et la plupart des restaurants et cafés sont fermés pour l’après-midi. Finalement nous nous rabattons sur des pies bon marchés et un café chez Starbucks dont l’internet nous permet de réserver une chambre au Trafalgar Lodge.

Benjamin apprend que son papier de thèse est accepté, après presque un an. C’est la fête ! Nous achetons une bouteille de vin puis allons nous débarbouiller à l’hôtel avant de ressortir dîner chez Sprig & Fern, qui offre une panoplie de bières pression et supposément le meilleur burger de la ville.

Juste en face du pub nous croisons Morritz et ses amis qui viennent d’arriver en ville !! Ils ont finalement réussi à faire réparer le Land Cruiser, c’était un problème d’allumage. Nous les invitons à venir fêter le papier de Benjamin avec nous, mais il semble que la bière soit hors-budget pour nos jeunes amis.

Le soir, nous consultons les horaires et les tarifs des ferrys pour Wellington et réalisons qu’il est moins cher de prendre l’avion depuis Nelson, sans parler du temps économisé. Comble de chance, nous répondons à une offre de relocalisation d’une voiture de location pour Auckland au départ de Wellington, qui nous est attribuée deux heures plus tard !

Les planètes sont alignées pour nous ce soir, nous pourrons remonter vers Auckland en toute indépendance et à moindre frais.

 

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